Les tensions entre la France et l’Algérie, principalement liées à l’héritage de la colonisation, ont récemment été ravivées par des déclarations d’Éric Zemmour, l’ancien candidat à l’élection présidentielle française. Lors d’une interview sur BFMTV, Zemmour a qualifié l’Algérie précoloniale de « cloaque », et a affirmé que les Algériens devraient être « reconnaissants » des infrastructures construites par la France pendant la période coloniale. Ces propos ont rapidement provoqué des réactions indignées, en particulier de la part de l’historien Benjamin Stora et de la militante décoloniale Rima Hassan.
Benjamin Stora, reconnu pour ses travaux sur l’histoire de la colonisation et ses conséquences, a répondu fermement aux propos de Zemmour, rétablissant plusieurs faits historiques qui réfutent cette vision réductrice de l’Algérie précoloniale. Dans une réponse argumentée, Stora a souligné que la Régence d’Alger, bien loin d’être un « cloaque », était une entité politique et économique puissante à l’époque. Il a rappelé que c’est la Régence d’Alger qui avait prêté de l’argent à la France, alors en pleine crise financière pendant la Révolution française. Un détail souvent négligé dans les récits historiques, mais crucial pour comprendre la relation entre les deux pays avant la colonisation.
L’historien Benjamin Stora a également mentionné que le refus de la France de rembourser cette dette a conduit à un événement emblématique : le « coup d’éventail » de 1827. Lors de cet incident, le Dey d’Alger, irrité par le comportement du consul français, frappa ce dernier avec un éventail. Cet acte a été utilisé par la France comme prétexte pour justifier l’invasion de l’Algérie en 1830. Pour Stora, cet épisode illustre les motivations politiques et économiques qui ont conduit à la colonisation, et non un acte de « civilisation » comme certains aiment à le prétendre.
Les déclarations d’Éric Zemmour, qui minimisent les souffrances infligées à l’Algérie pendant la colonisation, notamment en affirmant que la France n’a « rien à se faire pardonner », sont en totale contradiction avec les réalités historiques. Stora a longuement documenté dans ses travaux les atrocités commises par la France, telles que les massacres, les spoliations de terres, la répression des cultures locales, et l’exploitation économique des Algériens. La colonisation française n’a pas apporté la « civilisation », mais a imposé un système oppressif et dévastateur pour les populations locales.
L’historien a également rappelé que la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, fut marquée par des atrocités commises par l’armée française, telles que la torture, les exécutions sommaires et les déplacements forcés de populations. Ces crimes, longtemps minimisés en France, font partie intégrante de l’histoire coloniale et ne peuvent être effacés par des discours qui cherchent à justifier l’injustifiable.
Pour Rima Hassan, militante décoloniale, les propos de Zemmour sont non seulement réducteurs, mais également dangereux. Elle a insisté sur la nécessité pour la France de reconnaître ses responsabilités envers l’Algérie, et de ne pas se contenter de simples excuses. Elle a rappelé que la France a « massacré un tiers de la population algérienne, torturé, assassiné, violé et pillé », soulignant que l’impact de la colonisation continue d’affecter l’Algérie aujourd’hui. Elle a aussi évoqué l’utilisation du territoire algérien pour des essais nucléaires, laissant un héritage de déchets radioactifs dont la durée de vie est estimée à 24 000 ans, un autre aspect oublié ou minimisé de la colonisation.
Les infrastructures construites par la France en Algérie, souvent citées comme preuve de la « mission civilisatrice » de la colonisation, étaient en réalité avant tout destinées à servir les intérêts des colons, renforçant ainsi leur contrôle sur le pays. Elles n’étaient pas conçues pour le bien-être des Algériens, mais pour maintenir la domination française sur le territoire.
Les déclarations de Zemmour, bien que médiatiquement provocantes, ne résistent pas à l’épreuve des faits historiques. Grâce aux recherches menées par des historiens et des militants, la vérité sur la colonisation et ses conséquences pour l’Algérie est aujourd’hui largement documentée. L’Algérie précoloniale n’était pas un « cloaque », mais une société organisée, prospère et politiquement influente dans la région. La colonisation française, loin d’être une entreprise « civilisatrice », a été une période de domination, d’exploitation et de destruction, dont les effets se font encore sentir aujourd’hui.
Les demandes de réparation, qu’elles soient financières, matérielles ou symboliques, sont de plus en plus présentes dans les débats publics. Rima Hassan, tout comme de nombreux Algériens, plaide pour une « justice compensatoire » de la part de la France, qui devrait non seulement reconnaître ses fautes, mais aussi réparer les injustices passées.
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