Le dossier franco-algérien, longtemps figé par des tensions politiques et mémorielles, semble entrer dans une nouvelle phase. Le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nunez, a confirmé l’ouverture de discussions directes avec les autorités algériennes autour de plusieurs sujets sensibles, au premier rang desquels figure la question migratoire et, surtout, la révision de l’accord bilatéral de 1968 régissant le statut des ressortissants algériens en France.
Pour la première fois depuis plusieurs mois, Paris reconnaît officiellement l’existence d’échanges en cours avec Alger. Ces discussions, qualifiées de « techniques » par le ministre, portent notamment sur les procédures de reconduite à la frontière et la gestion des obligations de quitter le territoire français (OQTF), un point de crispation majeur entre les deux pays. Laurent Nunez a indiqué que l’objectif n’était pas de régler quelques situations ponctuelles, mais bien de revenir à un cadre de coopération « normalisé », stable et durable.
Selon le ministre, la question du retour des ressortissants algériens sous le coup d’une OQTF n’a pas encore trouvé d’issue concrète. Toutefois, il affirme que les échanges se poursuivent dans un climat exigeant, avec l’ambition de rétablir un rythme de coopération jugé satisfaisant par les autorités françaises. Une délégation française s’est d’ailleurs rendue récemment à Alger, signe d’une volonté politique de renouer le dialogue après une période de gel diplomatique.
Au cœur de cette relance figure le chantier sensible de la révision de l’accord de 1968. Ce texte, souvent décrié par une partie de la classe politique française, accorde un régime spécifique aux Algériens en matière de séjour, de travail et de regroupement familial. Après le vote de l’Assemblée nationale française appelant à sa dénonciation à l’automne dernier, le gouvernement français privilégie désormais la voie de la renégociation plutôt qu’une rupture brutale. Laurent Nunez a confirmé que ses services travaillaient activement à redéfinir ce cadre, avec l’objectif d’aboutir à des « positions communes » sur l’ensemble des dossiers migratoires.
Le ministre de l’Intérieur a insisté sur une ligne qu’il souhaite équilibrée : fermeté dans les exigences sécuritaires, mais maintien du dialogue et du respect mutuel avec Alger. Une posture qui tranche avec celle de certains de ses prédécesseurs, davantage enclins à l’escalade verbale. Pour Nunez, la sécurité nationale ne saurait justifier une rupture du dialogue, mais impose au contraire une coopération claire et assumée entre les deux États.
Affichant un optimisme prudent, le ministre estime que les discussions pourraient aboutir « dans les prochaines semaines ». Une échéance rapprochée qui témoigne de la volonté de Paris de clore rapidement ce dossier hautement politique, alors que la question migratoire demeure un sujet central du débat public en France.
Interrogé sur la possibilité de créer des centres de rétention ou de retour en dehors du territoire de l’Union européenne, Laurent Nunez n’a pas fermé la porte. Il a toutefois rappelé la complexité juridique et humaine de tels dispositifs, citant les difficultés rencontrées par des initiatives similaires menées par d’autres pays européens. Selon lui, toute réflexion en ce sens devrait impérativement respecter les droits fondamentaux, condition qu’il juge non négociable.
Cette reprise du dialogue entre Paris et Alger intervient dans un contexte délicat, où les relations bilatérales restent marquées par la mémoire coloniale, les tensions diplomatiques récurrentes et des divergences profondes sur la gestion des flux migratoires. La révision de l’accord de 1968, si elle aboutit, pourrait constituer un tournant majeur dans les relations entre les deux pays. Reste à savoir si cette dynamique nouvelle résistera aux pressions politiques internes et aux sensibilités historiques toujours vives de part et d’autre de la Méditerranée.