France : Bruno Retailleau finit par céder

APS Retailleau

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau finit par céder sous la pression politique, médiatique et populaire, notamment de la gauche, concernant la famille d’Aboubakar Cissé, un jeune Malien tué le 25 avril dernier dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, dans le département du Gard. Alors qu’il avait déclaré qu’il était difficile de localiser les proches de la victime en raison de la situation irrégulière d’Aboubakar Cissé, il a finalement accepté de recevoir certains membres de sa famille. Cette rencontre aura lieu le lundi 5 mai 2025 place Beauvau, à Paris, et sera marquée par la présence de représentants du Haut conseil des Maliens de France.

La pression s’était intensifiée après plusieurs critiques publiques à l’encontre du ministre Retailleau. La gauche politique et des membres de la communauté musulmane lui reprochaient de ne pas s’être déplacé sur les lieux du drame à La Grand-Combe, ni d’avoir pris le temps de rencontrer les proches du défunt. Ces critiques adressées à Retailleau ont été renforcées par l’attitude du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui avait laissé entendre que le dossier restait encore « en évaluation » jusqu’au vendredi 2 mai, sans engagement clair sur une éventuelle requalification de l’affaire. Une source proche du dossier précisait alors que le Pnat agissait en lien étroit avec le parquet de Nîmes, sans que cela ne satisfasse les avocats de la famille Cissé.

Me Mourad Battikh, un des avocats de la famille, avait dénoncé publiquement cet attentisme, soulignant que les éléments du dossier ne laissaient « aucun doute » quant à la nature terroriste de l’acte. Pour lui, et pour les proches de la victime, il ne s’agit pas simplement d’un meurtre isolé, mais d’une « attaque de nature terroriste » qui nécessite une réponse judiciaire à la hauteur. Ils ont ainsi annoncé leur intention de déposer une plainte avec constitution de partie civile afin de forcer une requalification des faits en assassinat terroriste. Leur objectif est clair : que la communauté musulmane bénéficie du même traitement judiciaire que toute autre population confrontée à des actes d’une telle gravité.

Le contexte de ce drame est d’autant plus poignant que le suspect, Olivier Hadzovic, âgé de 21 ans, avait fui la France et s’était présenté le 27 avril dans un commissariat italien de la ville de Pistoia, non loin de Florence, accompagné d’une tante et d’un avocat. Il a reconnu le meurtre mais a nié tout mobile religieux, affirmant avoir tué « la première personne qu’il a trouvée ». Cependant, dans une vidéo filmée juste après les faits, on l’entend prononcer des propos clairement islamophobes : « Je l’ai fait (…), ton Allah de merde », répétés à deux reprises. Ce détail contredit fortement la version défensive évoquée par son avocat italien, Me Giovanni Salvietti, qui a par ailleurs précisé que le jeune homme avait consenti à être remis aux autorités françaises. Une procédure d’extradition accélérée a donc été lancée, permettant un retour prévu d’Olivier Hadzovic en France autour de la mi-mai.

Sur le plan local, l’émotion reste vive. Le corps d’Aboubakar Cissé a été restitué à ses proches et une prière mortuaire devait être célébrée à la mosquée de La Grand-Combe ce vendredi après-midi à 14 heures. Selon une membre du Haut Conseil des Maliens de France présente sur place, Aboubakar sera inhumé au Mali, dans la localité de Yaguiné, située dans la région de Kayes. La date des funérailles n’a pas encore été fixée.

L’affaire Aboubakar Cissé, désormais suivie de près par les médias nationaux et internationaux, continue de soulever des questions sur la reconnaissance des actes à caractère islamophobe et sur la manière dont la justice française traite ces dossiers. L’accueil annoncé de la famille Cissé par Bruno Retailleau constitue une inflexion symbolique importante dans une affaire où le silence et l’absence avaient jusqu’ici été dénoncés comme un déni d’attention à l’égard d’une famille endeuillée. Cette rencontre pourrait marquer une première étape vers une forme de reconnaissance officielle du drame, et peut-être une avancée dans la procédure judiciaire en cours.