Le marché céréalier international connaît des bouleversements, notamment pour la France, traditionnellement l’un des plus grands fournisseurs de blé au monde. L’Algérie, autrefois l’un des plus gros acheteurs de blé de France, a considérablement réduit ses achats au point de ne plus importer qu’une fraction de ce qu’elle consommait il y a quelques années. En 2018, les exportations françaises de blé vers l’Algérie ont atteint 5,4 millions de tonnes, mais en 2023, ce chiffre est tombé en dessous du million de tonnes. Cette baisse de l’approvisionnement s’explique par plusieurs facteurs, certains d’ordre politique, mais d’autres plus pragmatiques et liés à la qualité du blé.
Il est intéressant de noter que la chute des échanges entre les deux pays survient en parallèle avec une crise diplomatique marquée entre Paris et Alger, après que le président français Emmanuel Macron ait reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, une position qui s’oppose directement à la politique de soutien de l’Algérie envers le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui. Si ces tensions politiques ne facilitent certainement pas les relations commerciales, la baisse des exportations de blé français ne peut pas uniquement être attribuée à cette crise récente. « L’origine du changement d’approvisionnement de la part de l’Algérie n’est pas politique », confie Edward de Saint-Denis, analyste du marché des céréales. En réalité, le tournant s’est produit bien avant la crise diplomatique.
Dès 2016, un événement clé a marqué un tournant dans les habitudes d’approvisionnement de l’Algérie : la France a subi une chute importante de sa production en raison de conditions climatiques défavorables, avec une baisse de 20 % de la récolte cette année-là. C’est alors que l’Algérie a commencé à se tourner vers d’autres fournisseurs, notamment la Russie, qui a massivement investi dans la production de blé et qui est devenue le premier exportateur mondial. En 2021, l’Algérie a modifié son cahier des charges pour s’adapter aux caractéristiques du blé russe, un grain de moindre coût, mais dont la teneur en protéines est plus élevée et qui convient mieux aux meuniers algériens. La France, qui n’a pas pu répondre aux exigences de l’Algérie à ce moment-là, a donc perdu un partenaire historique au profit de la mer Noire.
Depuis, les importations algériennes de blé russe ont connu une forte hausse, au détriment des blés français, mais aussi d’autres producteurs comme l’Allemagne et l’Argentine. Cependant, ce changement d’approvisionnement n’est pas sans conséquences pour la France, surtout que cette absence d’acheteur majeur ne peut être compensée par d’autres pays, notamment le Maroc, qui fait face à une crise financière actuellement, et la Chine. Arthur Portier, analyste du marché des céréales chez Argus Media France, souligne que « l’absence de l’Algérie dans les achats de blé français devient préoccupante ». En 2024, la récolte de blé en France a été particulièrement faible, ce qui accentue l’impact de la perte du marché algérien. Si les opérateurs du secteur espèrent que cette situation soit temporaire, le retour de l’Algérie sur le marché français pourrait être crucial pour l’équilibre économique de la filière céréalière.
Ainsi, la situation actuelle révèle l’importance stratégique de l’Algérie dans les échanges de blé mondiaux. Non seulement l’Algérie est un marché historique pour la France, mais elle est également un acteur clé dans le jeu international des échanges agricoles. Cependant, avec la montée en puissance de la Russie, mais aussi des tensions diplomatiques, la France se trouve dans une position délicate. « L’espoir d’un retour de l’Algérie sur le marché français, bien que plausible, reste suspendu à des facteurs politiques et économiques complexes », et pourrait bien décider de l’avenir de la filière céréalière française dans les années à venir.
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