Pendant longtemps, obtenir ou renouveler un titre de séjour en préfecture relevait d’un véritable parcours du combattant pour bon nombre d’étrangers installés en France, notamment pour les Algériens, mais depuis mars 2025, un changement notoire semble s’opérer à la préfecture de l’Isère. Une initiative inattendue mais saluée, tant par les usagers que par les associations, redonne enfin un souffle d’espoir aux étrangers en situation régulière qui se sentaient, jusque-là, abandonnés face à une bureaucratie rigide et numérisée à outrance.
Vendredi 18 avril, devant la préfecture de Grenoble, Neila, une ressortissante algérienne de 35 ans, exprime un mélange de soulagement et de prudence. « Aujourd’hui, on peut venir retirer son titre de séjour sans rendez-vous. À l’époque, ce n’était pas possible. Lorsqu’on recevait le SMS informant de la disponibilité du titre de séjour, il fallait encore prendre un rendez-vous sur le site de la préfecture et c’était pratiquement impossible », explique-t-elle à France 3, tout juste après avoir récupéré son titre tant attendu. Ce simple geste administratif, devenu banal pour certains, représente pour elle l’aboutissement d’un chemin semé d’obstacles.
Arrivée en France avec un visa long séjour en tant que conjointe de Français, Neila a été victime de violences conjugales. Une ordonnance de protection lui a permis de prétendre à un titre de séjour, mais l’attente fut interminable. Entre l’expiration de son ancien titre début 2024 et l’obtention du nouveau document, près d’un an s’est écoulé. « C’était la croix et la bannière pour pouvoir avoir un rendez-vous », confie un proche qui l’a soutenue tout au long de ses démarches. Grâce à l’aide d’un avocat, elle décroche enfin un rendez-vous en janvier. « Elle s’est retrouvée pendant une longue période sans titre, ni droit alors qu’elle était en CDI. Son entreprise a été compréhensive parce qu’elle a prouvé les efforts qu’elle faisait pour obtenir un titre », poursuit son accompagnant.
Comme elle, des milliers d’étrangers, dont des Algériens de France, ont vécu l’enfer administratif engendré par la dématérialisation totale des démarches en préfecture. Les créneaux en ligne, devenus obligatoires, étaient inaccessibles, souvent bloqués par des réseaux malveillants. Les associations, dont La Cimade, ont rapidement réagi. Le 24 mars 2025, cinq structures ont saisi le tribunal administratif de Grenoble en référé, dénonçant « de graves dysfonctionnements » dans l’accès aux démarches en ligne. Leur appel n’est pas resté lettre morte : le 28 mars, le juge des référés leur donne raison en suspendant temporairement l’obligation de recourir au téléservice, exigeant de la préfecture qu’elle propose des solutions alternatives.
« L’audience a eu lieu le 24 mars et l’ordonnance du tribunal est tombée quatre jours après. Donc c’était assez rapide comme réponse, on était contents. Bien sûr qu’on a des réserves sur l’application et sur le fait qu’on ne sait pas encore si la préfecture fera appel de la décision », souligne Martine Faure Saint-Aman, présidente régionale de La Cimade. Elle reste prudente malgré cette avancée, espérant que la préfecture ne reviendra pas sur cette ouverture.
Algériens de France : la préfecture admet l’existence de dysfonctionnements
Dans un communiqué daté du 14 mars, la préfète de l’Isère, Catherine Séguin, admettait les failles du précédent système : « Le module national mis en place précédemment avait été, dès les premières semaines suivant son déploiement, la cible d’actes malveillants consistant à bloquer les créneaux disponibles pour, dans certains cas, les revendre aux usagers ». Pour remédier à cette situation, deux nouveautés ont été annoncées : la plateforme “Démarches Simplifiées” pour la prise de rendez-vous et, surtout, la possibilité de retirer les titres de séjour sans rendez-vous depuis le 17 mars.
« Les usagers soumettent une demande en ligne et reçoivent une convocation dans les meilleurs délais », précise le communiqué de la préfecture. Un changement bienvenu pour les concernés. Demba, ressortissant sénégalais, témoigne auprès de France : « J’ai galéré pendant des mois à obtenir un rendez-vous. Mais récemment, j’ai fait une demande en ligne et deux jours après, j’avais un créneau ». Il résume la simplicité du nouveau processus : « Il suffit de renseigner son numéro étranger et la date de fin de validité du titre de séjour. Et en fonction de cette date, la préfecture fixe un rendez-vous ».
Du côté des associations, l’évolution est globalement saluée, mais non sans réserves. « Avant, il fallait entre six semaines et deux mois pour récupérer son titre de séjour. Le nouveau fonctionnement permet aux personnes d’avoir plus facilement un rendez-vous », admet Martine Faure Saint-Aman. Toutefois, elle pointe du doigt l’absence de concertation régulière : « On aimerait avoir régulièrement un dialogue avec la préfecture pour tout ce qui concerne de petits dysfonctionnements. Et il y en a énormément. Et ces petits dysfonctionnements créent actuellement des ruptures de droit ».
Malgré les progrès constatés, les associations restent donc vigilantes. L’initiative prise par la préfecture de l’Isère pourrait bien servir d’exemple à d’autres départements, à condition que la dynamique d’amélioration se poursuive et que les promesses d’accès équitable au service public ne restent pas lettre morte. Pour les étrangers comme Neila ou Demba, ces changements représentent bien plus qu’une simplification administrative : ils symbolisent une reprise de souffle, une dignité retrouvée.
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