France : la vie de la lanceuse d’alerte Houria Aouimeur bascule

Houria Aouimeur

Elle ne s’y attendait pas. Lorsqu’Houria Aouimeur a pris la tête de l’Association pour la garantie des salaires (AGS) en 2018, elle pensait s’engager dans une mission de service public, soucieuse d’assurer la protection des salariés en difficulté. Mais à peine avait-elle posé un pied dans l’institution qu’elle a été confrontée à une réalité bien plus sombre : des fonds disparaissant mystérieusement, des sommes astronomiques classées en perte et un système si bien huilé que personne ne semblait vouloir poser de questions. Pourtant, elle l’a fait. Et sa vie a basculé.

Les premières alertes ont été discrètes, presque anodines. Des anomalies dans les comptes, des transactions qui ne trouvaient pas d’explication logique. Intriguée, Houria Aouimeur a voulu comprendre. Elle a demandé un audit, cherché des explications. Ce qu’elle a découvert dépassait l’entendement : des milliards d’euros envolés sans laisser de trace. Lorsqu’elle a alerté ses supérieurs, elle s’est heurtée à un mur d’indifférence. Mais au lieu de se taire, elle a insisté. C’est là que les ennuis ont commencé, selon le média français La Vie.

D’abord, des lettres anonymes, des menaces voilées. Puis des intrusions dans sa vie privée. Son domicile tagué, sa boîte aux lettres vandalisée, son entourage scruté. La pression s’est intensifiée à mesure que ses découvertes se précisaient. Pourtant, elle n’a pas reculé. En 2019, le cabinet Ernst & Young a confirmé ses soupçons. Un rapport accablant pointait du doigt des pratiques douteuses, des fonds détournés et une opacité inquiétante. L’AGS et le Medef ont alors déposé plainte, ouvrant la voie à une enquête judiciaire. Mais pour Houria Aouimeur, le pire était à venir.

Alors qu’elle tentait de réformer l’institution, de mettre fin aux pratiques frauduleuses, la riposte a été brutale. Ses mails piratés, des micros installés dans son bureau, des collaborateurs intimidés. Mais elle a tenu bon. Jusqu’en 2023, où l’attaque est devenue frontale : licenciée pour faute lourde. Officiellement, on lui reproche un train de vie dispendieux et des manquements dans la passation des marchés publics. En réalité, elle y voit des représailles. Accompagnée de son avocat, William Bourdon, elle porte plainte pour harcèlement et menaces.

Aujourd’hui, elle vit sous protection, sa sécurité constamment menacée. Sa détermination, elle, est intacte. Elle refuse d’être réduite au silence. En janvier dernier, Anticor lui a décerné son 4e prix éthique, reconnaissant son combat. Une lueur d’espoir dans un parcours semé d’embûches. Elle attend désormais la justice, convaincue que la vérité finira par triompher. Son procès prud’homal est fixé au 15 mai, une date qu’elle attend avec impatience, mais aussi avec une certaine appréhension.

Si la loi protège théoriquement les lanceurs d’alerte, la réalité est tout autre. Les représailles sont courantes, et la solitude souvent écrasante. Houria Aouimeur en est l’exemple frappant. Pourtant, elle ne regrette rien. « Je ne suis pas une délatrice, je suis une résistante », martèle-t-elle. Son combat, elle l’a mené au nom de l’intérêt général, persuadée que la corruption est un fléau qui gangrène la société et appauvrit l’économie. Malgré les épreuves, elle continue d’encourager ceux qui, comme elle, choisissent de parler, de ne pas détourner le regard.

Dans cette lutte inégale, elle a trouvé des soutiens, mais aussi un vide abyssal du côté des pouvoirs publics. L’État, les syndicats, les institutions qui auraient dû la protéger sont restés silencieux. Un silence assourdissant, qui en dit long sur la difficulté d’éradiquer la corruption. Pourtant, elle ne désarme pas. Car au-delà de sa propre histoire, c’est un combat collectif qu’elle incarne. Celui d’une transparence nécessaire, d’une société où la probité ne devrait pas être une exception mais une règle. Et si elle doit continuer à se battre seule, elle le fera. Parce que se taire n’a jamais été une option.

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