France : les Algériens « risquent de pâtir durement »

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Les relations entre la France et l’Algérie traversent une période de tensions exacerbées, et les conséquences pourraient être lourdes pour les Algériens vivant en France ou ayant des liens étroits avec le pays. Alors que le dialogue entre Paris et Alger semble rompu, la perception d’une montée en puissance de discours hostiles en provenance de l’Hexagone alimente un climat d’inquiétude.

De nombreux Algériens, rencontrés par l’AFP, dénoncent une escalade verbale de certains ministres français à l’égard de leur pays d’origine. Pour Ahmed, ancien cadre de l’Éducation nationale, la situation est limpide : « Les ministres multiplient les déclarations inamicales, hostiles à l’Algérie. » Une impression partagée par d’autres, qui y voient une volonté de faire monter la pression, alors qu’Alger, selon eux, a adopté une posture plus mesurée, misant sur l’apaisement.

L’inquiétude se propage chez ceux qui, de part et d’autre de la Méditerranée, entretiennent des liens familiaux profonds. Rachid, dont le fils vit en France, craint que cette tension diplomatique ne vienne perturber le quotidien des Algériens installés sur le territoire français. « Nous risquons de pâtir durement d’une crise qui ne cesse de s’aggraver et pourrait durer. »

Ce regain de tension trouve son origine dans plusieurs dossiers épineux, dont la reconnaissance, en juillet dernier, par le président français Emmanuel Macron, d’un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental. Une décision qui a été perçue comme un affront par Alger, qui soutient fermement le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, conformément aux résolutions de l’ONU. Depuis, le fossé diplomatique ne cesse de se creuser.

L’affaire Boualem Sansal est venue envenimer davantage la situation. L’écrivain franco-algérien a été condamné à une lourde peine de prison en novembre dernier, un verdict qui a suscité des critiques virulentes en France. Paris a dénoncé une atteinte aux libertés fondamentales, tandis qu’Alger a considéré ces prises de position comme une ingérence dans ses affaires internes. La crispation entre les deux pays s’est encore accentuée lorsque l’Algérie a refusé d’accueillir plusieurs ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, dont un individu impliqué dans un attentat meurtrier à Mulhouse, en février dernier.

Face à cette dégradation des relations, les conséquences pourraient être multiples. D’une part, les Algériens vivant en France pourraient subir les effets d’un durcissement des politiques migratoires et administratives, rendant plus compliquées les procédures de visas ou de régularisation. D’autre part, ceux qui voyagent fréquemment entre les deux pays redoutent de nouvelles restrictions susceptibles de compliquer leurs déplacements.

Algériens de France : les mots forts de Tebboune

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a pris la parole pour clarifier la position de son pays face aux tensions récurrentes avec la France, marquées dernièrement par des attaques politiques et des polémiques autour des Accords de 1968. S’exprimant lors d’une rencontre périodique avec la presse nationale, il a affirmé que l’Algérie n’avait qu’un seul interlocuteur privilégié dans ce dossier : « Notre seul repère est le président Macron. Tous les problèmes seront réglés avec lui ou la personne qu’il désigne ». Une déclaration qui vise à recentrer le dialogue entre les deux pays sur une base institutionnelle, loin des polémiques alimentées par certains cercles politiques français.

Les relations entre Alger et Paris connaissent une nouvelle zone de turbulence, en partie due aux critiques formulées par le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, dont les prises de position tranchées sur la présence des Algériens en France et sur les questions migratoires ont suscité une vive réaction de la part des autorités algériennes. Le président Tebboune a dénoncé une tentative de création artificielle de tensions, affirmant que « le contentieux, créé de toutes pièces, est entre les mains d’une personne très compétente en qui j’ai toute confiance : le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf. Tout le reste ne nous concerne pas ».

Le chef de l’Etat a également tenu à réaffirmer la protection des ressortissants algériens à l’étranger, rappelant que « personne ne pourra s’en prendre à nos ressortissants tant qu’ils respectent les lois du pays d’accueil ». Cette déclaration s’inscrit dans un contexte où certaines voix en France appellent à un durcissement des conditions de séjour et de circulation des Algériens sur le territoire français, notamment via une remise en question des Accords de 1968 qui régissent ces aspects depuis plusieurs décennies.

Par ailleurs, le président Tebboune a pointé du doigt une approche contradictoire de la liberté d’expression en France, citant l’exemple du journaliste Jean-Michel Aphatie, sanctionné pour ses propos sur la colonisation. « Lorsqu’un journaliste français est sanctionné pour avoir dit la vérité sur la colonisation, on se demande où est la liberté d’expression. Et lorsqu’un Algérien est puni en France pour avoir exprimé sa solidarité avec la Palestine, on se pose la même question », a-t-il souligné, mettant ainsi en lumière ce qu’il considère comme un double standard en matière de liberté d’opinion.

Cette prise de parole intervient dans un climat de relations fluctuantes entre Alger et Paris, où chaque crise semble marquer un épisode supplémentaire d’une histoire diplomatique complexe. En recentrant le dialogue sur le président Emmanuel Macron et en refusant de s’engager dans des polémiques stériles, le président Tebboune cherche à maintenir une relation institutionnelle pragmatique entre les deux pays, tout en posant des lignes rouges claires concernant la souveraineté de l’Algérie et la protection de ses ressortissants.

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