La nouvelle était attendue avec une grande inquiétude dans les rangs des auto-entrepreneurs, notamment parmi les milliers d’Algériens qui exercent ce statut en France. Alors que le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait une mesure controversée visant à abaisser le seuil de déclaration de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires, contre un plafond oscillant actuellement entre 37 500 et 85 000 euros selon les secteurs, le gouvernement a finalement décidé de suspendre l’entrée en vigueur de cette disposition jusqu’au 1er juin 2025. Cette suspension représente un vrai soulagement pour toute une communauté qui redoutait les effets néfastes d’une telle mesure sur la viabilité de leurs micro-entreprises.
À l’origine, cette mesure, passée presque inaperçue à son inclusion dans la loi de finances, s’est rapidement retrouvée au centre d’un vif débat public. Des syndicats d’auto-entrepreneurs aux parlementaires de tous bords, la levée de boucliers a été massive. Tous dénonçaient un coup dur porté à l’activité des petits indépendants, déjà mis à mal par une conjoncture économique incertaine. Parmi les premiers concernés, une large part de travailleurs indépendants d’origine algérienne, présents dans des secteurs aussi variés que le bâtiment, le transport, la livraison ou encore les services numériques, qui craignaient de se retrouver brutalement assujettis à des obligations comptables et fiscales bien plus lourdes.
Le 28 février 2025, face à la pression croissante et à la mobilisation syndicale, Bercy a annoncé un gel temporaire de la mesure, la renvoyant à la date du 1er juin. Ce délai a été mis à profit par les parlementaires pour tenter d’enterrer définitivement cette disposition. Plusieurs amendements ont ainsi été proposés dans le cadre du projet de loi relatif à la simplification de la vie économique actuellement examiné à l’Assemblée nationale. De son côté, le gouvernement a proposé une version plus équilibrée : fixer un seuil unique de déclaration de TVA à 37 500 euros, en maintenant toutefois le seuil abaissé de 25 000 euros pour les entreprises du bâtiment. Mais ces amendements, qu’ils proviennent de l’opposition ou du ministère lui-même, ont tous été déclarés irrecevables, mettant un terme provisoire au débat dans l’Hémicycle.
Deux scénarios restent désormais en lice. Le premier serait un passage en force du gouvernement si aucune autre décision n’est prise d’ici le 1er juin. Le seuil de 25 000 euros deviendrait alors effectif, touchant de plein fouet des milliers d’auto-entrepreneurs. Une option que de nombreux observateurs jugent improbable, compte tenu du climat politique instable et des efforts de dialogue engagés jusqu’à présent par Bercy. Le ministère n’a en effet jamais rompu le fil de la concertation avec les syndicats, qui continuent de porter leurs revendications avec vigueur. À cet égard, une réunion cruciale est prévue le 6 mai, durant laquelle la ministre des PME, Véronique Louwagie, recevra une délégation de onze parlementaires afin de trouver une solution équilibrée.
Le second scénario, considéré comme le plus probable par les organisations syndicales, serait la prolongation de la suspension de la mesure au-delà du mois de juin. Cette option offrirait une respiration bienvenue aux auto-entrepreneurs, leur permettant de poursuivre leur activité sans subir un bouleversement fiscal malvenu. Elle permettrait également au gouvernement de réintégrer la question dans les discussions autour du budget 2026, dont l’adoption est prévue à l’automne. Ce calendrier laisserait une marge de manœuvre politique pour modifier, voire supprimer, l’article controversé.
Des voix influentes du secteur plaident en faveur de cette option. Nicolas Cordier, délégué général de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs (FNAE), appelle à une suppression pure et simple de la mesure, qu’il qualifie d’absurde, soulignant qu’elle risquerait d’aggraver la baisse des créations d’entreprises déjà observée en 2024. Marc Sanchez, secrétaire général du syndicat SDI, exige pour sa part une prolongation du moratoire au moins jusqu’à fin 2025, afin de « remettre à plat cette réforme et l’adapter à la réalité économique des TPE ».
Les auto-entrepreneurs algériens, nombreux à avoir choisi ce statut en France, pour la souplesse qu’il offre, restent donc en attente mais peuvent d’ores et déjà souffler. Le risque d’un choc fiscal immédiat s’éloigne, et avec lui l’incertitude pesant sur leur avenir professionnel en France. Reste à savoir si cette suspension ne sera qu’un sursis ou le prélude à une révision en profondeur d’un système plébiscité par des milliers d’indépendants. En attendant, la vigilance reste de mise, car le combat parlementaire, lui, est loin d’être terminé.