La décision de Bruno Retailleau de décliner l’invitation à rompre le jeûne (Iftar) à la Grande Mosquée de Paris en raison des tensions entre la France et l’Algérie marque une rupture symbolique avec une tradition instaurée par ses prédécesseurs. Ce refus s’inscrit dans un contexte de crise diplomatique entre les deux pays, exacerbée par des événements récents et des accusations de collusion entre certaines institutions françaises et les autorités algériennes.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a, quant à lui, confirmé sa présence à cet iftar, soulignant ainsi les dissensions au sein du gouvernement sur la gestion des relations avec Alger. Cette divergence de position traduit une stratégie politique où chacun tente d’adopter une posture ferme ou conciliante selon ses objectifs à long terme.
La Grande Mosquée de Paris, institution historique inaugurée en 1926, est depuis plusieurs décennies perçue comme un pont entre la France et l’Algérie. Son financement annuel par l’État algérien, estimé à environ 2 millions d’euros, a régulièrement alimenté les débats sur son indépendance et sa légitimité en tant qu’interlocuteur privilégié du gouvernement français. Les critiques se sont intensifiées après l’éclatement d’une polémique sur la certification halal des produits destinés à l’Algérie, qui aurait bénéficié d’un monopole lucratif soutenu par Alger.
Chems-eddine Hafiz, recteur de la mosquée, a dû faire face à des accusations d’ingérence étrangère, notamment de la part d’anciens diplomates français. Son refus de participer à la marche contre l’antisémitisme en novembre 2023 a également contribué aux attaques contre sa personne. Cette décision, motivée par la présence du Rassemblement National parmi les manifestants, a profondément modifié la perception du recteur au sein du paysage politique français.
Bruno Retailleau, en prenant ses distances avec cet iftar, veut afficher une posture de fermeté sur la gestion de l’islam en France. Son approche contraste avec celle de Gérald Darmanin, qui avait instauré un dialogue plus ouvert avec les représentants des cultes. L’actuel ministre de l’Intérieur entend ainsi redéfinir les rapports entre l’État et les instances religieuses, dans une logique d’émancipation vis-à-vis des influences étrangères.
La crise entre la France et l’Algérie a atteint un niveau critique après la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024. Ce revirement diplomatique a entraîné une série de représailles d’Alger, notamment la suspension de la coopération en matière migratoire. L’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal en novembre 2024 a ajouté un élément de tension supplémentaire, suscitant des condamnations internationales et des appels à la libération de l’auteur. Dans ce climat tendu, toute interaction officielle avec des institutions liées à l’Algérie est scrutée de près par les observateurs et les responsables politiques français.
La politique migratoire constitue un autre point de friction majeur. Bruno Retailleau a récemment menacé de quitter le gouvernement si Paris assouplissait sa position sur le renvoi des ressortissants algériens en situation irrégulière. Cette déclaration s’inscrit dans une volonté de durcissement des règles d’expulsion, un sujet hautement sensible qui divise l’exécutif et attise les débats sur l’équilibre entre fermeté et coopération diplomatique.
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