C’est une décision rare et hautement symbolique rendue par la justice administrative française. Un ressortissant algérien a réussi, après un long parcours judiciaire, à faire annuler une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) qui pesait contre lui. Cette affaire, portée d’abord devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la Cour administrative d’appel de Paris, illustre la ténacité d’un homme déterminé à défendre ses droits face à une décision qu’il jugeait injuste.
Arrivé en France en 2013 avec un visa touristique, cet Algérien avait choisi de déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Après plusieurs années de présence, d’intégration et d’activités sur le territoire, il espérait régulariser sa situation administrative. Mais par un arrêté daté du 13 novembre 2023, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour, tout en lui ordonnant de quitter la France sans délai. Dans le même document, l’administration a assorti cette décision d’une mesure d’interdiction de retour, l’IRTF, une sanction administrative qui empêche tout retour sur le territoire pendant une durée déterminée.
Refusant de se résigner, le ressortissant algérien a décidé de contester cette mesure. Il a porté son affaire devant le tribunal administratif de Montreuil, avec l’assistance de son avocat, Me Fayçal Megherbi, connu pour défendre de nombreux cas similaires. Le recours demandait l’annulation pure et simple de l’arrêté préfectoral du 13 novembre 2023, arguant notamment que la préfecture n’avait pas examiné avec suffisamment de rigueur sa situation personnelle et familiale. C’est ce que détaille l’avocat, dans une contribution transmise à la rédaction de DNAlgérie.
Le 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Montreuil a pourtant confirmé la position du préfet, rejetant la requête. Ce revers n’a pas découragé le ressortissant algérien, qui a alors décidé de faire appel. Le 15 janvier 2025, une nouvelle requête a été enregistrée auprès de la 8ᵉ chambre de la Cour administrative d’appel de Paris. Dans ce dossier, l’homme demandait non seulement l’annulation du jugement du tribunal administratif, mais aussi celle de l’arrêté préfectoral et de l’IRTF. Il sollicitait par ailleurs que le préfet de la Seine-Saint-Denis réexamine sa situation et lui délivre une autorisation provisoire de séjour.
Dans sa plaidoirie, Me Megherbi a soutenu que la décision du préfet était entachée d’un défaut d’examen particulier de la situation de son client, en contradiction avec les stipulations des articles 6-1, 6-5 et 7 b de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. L’avocat a également souligné que l’obligation de quitter le territoire français reposait sur une base juridique fragilisée, puisque la décision de refus de séjour était elle-même irrégulière. En outre, l’interdiction de retour sur le territoire (IRTF), selon lui, portait atteinte à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, relatif au droit à la vie privée et familiale.
De son côté, la préfecture de la Seine-Saint-Denis, par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2025, a demandé à la Cour de rejeter le recours, estimant que les arguments de l’Algérien n’étaient pas fondés. Mais la Cour administrative d’appel a constaté plusieurs irrégularités dans le jugement rendu en première instance. Elle a relevé que le tribunal administratif de Montreuil n’avait pas pris en compte certains arguments essentiels de la défense, en particulier ceux relatifs à la proportionnalité de la mesure d’IRTF et à la vie familiale du requérant.
Dans son arrêt rendu le 23 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a finalement donné raison au ressortissant algérien. Elle a annulé le jugement du 19 décembre 2024 ainsi que l’arrêté préfectoral du 13 novembre 2023, mettant ainsi fin à l’interdiction de retour sur le territoire. Selon la décision, l’IRTF constituait une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux du requérant, notamment à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne.
La Cour a également souligné que l’Algérien justifiait de liens personnels et professionnels forts en France, éléments que la préfecture n’avait pas suffisamment pris en compte. Ces considérations ont pesé lourd dans la balance, conduisant à la levée définitive de l’IRTF. Cette décision vient rappeler que, même face à l’administration, la justice demeure un rempart lorsque les droits d’un individu sont méconnus. Pour le ressortissant algérien, cette victoire judiciaire met fin à des mois d’incertitude et lui permet enfin de reconstruire sa vie sur le territoire français, où il a tissé des attaches solides et durables.