La France est-elle en train de se priver d’un futur médecin formé sur son sol ? C’est la question que soulève la situation de Rayen Fakhfakh, un étudiant en cinquième année de médecine à l’Université Paris-Saclay, frappé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français), malgré un parcours scolaire sans faute, une intégration académique et associative exemplaire, et une vocation profondément ancrée dans le domaine médical. Ce jeune étudiant en médecine de nationalité tunisienne, arrivé en France à l’âge de 12 ans, incarne pourtant les espoirs de toute une génération qui rêve de devenir médecin dans un pays où les déserts médicaux ne cessent de s’étendre.
Rayen Fakhfakh, 21 ans, a reçu cette OQTF le 28 février 2025, après une garde à l’hôpital. L’étudiant, encore marqué par la fatigue de ses responsabilités hospitalières, découvre alors qu’il est sommé de quitter le territoire français. La surprise est totale, la détresse immédiate. Il pensait que l’OQTF concernait uniquement des individus en infraction grave ou en situation irrégulière volontaire. Mais lui, étudiant assidu en médecine, avec des notes solides et une ambition de devenir chirurgien orthopédique, ne se reconnaît pas dans ce profil. Et pourtant, c’est bien lui que la préfecture de Seine-Saint-Denis vise dans cette décision. Selon l’autorité administrative, Rayen ne justifie pas d’une intégration suffisante. Cette OQTF à l’encontre d’un étudiant en médecine brillant interroge alors que la France déplore un manque criant de professionnels de santé.
Dès réception de l’OQTF, l’étudiant en médecin s’entoure d’une avocate spécialisée. Me Caroline Andrivet entame deux démarches : l’une pour contester l’OQTF elle-même, l’autre en référé pour obtenir une autorisation provisoire de séjour, indispensable pour permettre à son client de continuer ses stages hospitaliers. Pour un étudiant en médecine, frappé d’une OQTF, la poursuite des stages conditionne la validation de l’année universitaire. Sans cette autorisation temporaire, Rayen ne pourrait ni continuer sa formation pratique, ni assurer la continuité de son cursus médical.
La genèse de cette situation remonte à 2016, quand Rayen, né à Sfax en Tunisie, arrive en France. Pris en charge par son frère à Noisy-le-Sec, il suit un parcours exemplaire dans un lycée de Seine-Saint-Denis. À 16 ans, il décroche son bac scientifique avec mention bien. Dès 2020, il entre en faculté de médecine à Paris-Saclay. Il enchaîne les réussites, valide quatre années sans redoublement et obtient également un master en biologie santé, tout en s’impliquant dans de nombreuses associations étudiantes. Mais en parallèle de cette réussite, une bataille administrative l’épuise. Étant mineur lors de son arrivée, il n’était pas obligé d’avoir un titre de séjour. Ce n’est qu’en 2021, à l’approche de sa majorité, qu’il entreprend les démarches nécessaires. Obtenir un rendez-vous à la préfecture se révèle quasiment impossible. Il saisit alors le tribunal administratif.
Ce n’est qu’en janvier 2023, en pleine troisième année de médecine, que Rayen obtient un récépissé. Ce document prouve l’existence d’une demande en cours et doit être renouvelé tous les trois mois. L’étudiant respecte scrupuleusement la procédure, dépose chaque justificatif, répond à chaque demande. Pourtant, malgré cette rigueur, la préfecture choisit de ne pas régulariser sa situation. À la place, elle oriente son dossier vers une procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Dans ce cadre, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Et c’est précisément là que l’OQTF intervient. L’étudiant en médecine est alors frappé d’une décision qu’il juge incompréhensible, surtout après des années d’efforts et de conformité.
Les motivations avancées par la préfecture pour justifier l’OQTF sont jugées légères par la défense. L’étudiant serait, selon les autorités, peu intégré, sans attache familiale forte ni insertion professionnelle crédible. Pourtant, Rayen a deux frères en France : l’un pharmacien à Paris, l’autre biologiste en Martinique. Il vit en France depuis près de dix ans, y a été scolarisé, y a grandi, et y étudie la médecine à haut niveau. Son dossier contient des certificats de scolarité, des bulletins de notes, des lettres de recommandation, une chronologie complète de sa présence en France depuis 2016. L’étudiant en médecine, visé par une OQTF, ne comprend pas comment tous ces éléments ont pu être ignorés.
En parallèle de ses études, Rayen s’engage activement dans la vie de sa faculté. Il participe à des projets humanitaires, du tutorat, des événements sportifs et culturels. Il s’agit là d’un étudiant impliqué, motivé, et entièrement tourné vers le soin, la transmission et l’excellence académique. Pourtant, rien de cela n’apparaît dans la décision préfectorale. L’OQTF qui frappe cet étudiant en médecine semble déconnectée de sa réalité.
L’université elle-même le soutient activement. Camille Galap, président de l’Université Paris-Saclay, adresse une lettre au tribunal administratif pour témoigner de l’implication et du sérieux de Rayen. Le corps professoral s’étonne qu’un étudiant si investi soit menacé d’expulsion alors même que la France peine à former suffisamment de médecins. La situation d’un étudiant en médecine sous OQTF devient alors symptomatique d’une administration perçue comme déshumanisée, appliquant des décisions sans tenir compte de leur impact sur les individus ni sur la société.
Pour Me Andrivet, cette affaire dépasse le simple cas personnel. Elle illustre le durcissement de la politique migratoire, aggravé par la loi « immigration » de 2024 et les circulaires « Retailleau » de 2025. Le frère aîné de Rayen, qui a suivi un parcours comparable quelques années auparavant, avait pu régulariser sa situation bien plus rapidement. Aujourd’hui, l’accès même aux guichets est restreint. Sans rendez-vous, impossible d’être reçu. Les services préfectoraux sont inaccessibles, les plateformes numériques peu intuitives. L’étudiant en médecine frappé par une OQTF se retrouve ainsi seul face à une machine bureaucratique lente et rigide.
Malgré tout, Rayen reste combatif. Grâce à une ordonnance du juge des référés rendue début mai, il a obtenu une autorisation provisoire de séjour jusqu’en novembre 2025. Cette mesure d’urgence lui permet de poursuivre son stage en réanimation et de valider sa cinquième année. Une étape cruciale pour un étudiant en médecine qui, malgré une OQTF, refuse de renoncer à son rêve. Son avenir reste toutefois suspendu à la décision finale du tribunal administratif sur l’annulation de l’OQTF. La procédure suit son cours, mais l’angoisse demeure.
Rayen Fakhfakh, interrogé par What’s Up Doc, se dit déterminé à poursuivre son projet professionnel en France : devenir chirurgien orthopédique, contribuer à la médecine française, soigner là où le besoin est criant. Son engagement, son parcours et ses compétences le placent comme un atout évident pour le système de santé. Pourtant, c’est bien lui que l’OQTF vise. Dans un pays en crise sanitaire, en manque de praticiens, cette situation interroge.