Hausse record de l’euro face au dinar : pourquoi ça grimpe ?

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Sur le marché parallèle algérien, l’euro a atteint un niveau jamais vu, franchissant la barre des 264 dinars algériens à l’achat contre 261 dinars à la vente. Pendant ce temps, la banque d’Algérie maintient toujours un taux officiel bien plus bas, à 152 dinars l’euro aussi bien à l’achat qu’à la vente. L’écart entre le cours de l’euro et le dinar atteint donc plus de 100 dinars, illustrant une dynamique qui suscite l’interrogation du citoyen algérien moyen. Pourquoi cette envolée de l’euro face au dinar ? Plusieurs facteurs économiques et commerciaux entrent en jeu, et tous convergent vers un même constat : la pression sur la demande de devises s’intensifie, notamment en raison du secteur automobile.

La banque d’Algérie n’a jamais cessé de surveiller les fluctuations entre l’euro et le dinar, mais les dernières décisions relatives aux importations de véhicules ont indirectement ravivé des circuits informels. Après un retour timide à l’importation en 2023, les importateurs se sont retrouvés, dès 2024, confrontés à la non-reconduction des licences commerciales. Ce blocage, ajouté à la lente montée en cadence de l’usine Fiat à Tafraoui, a ouvert grand la porte aux alternatives informelles. En 2024, seulement 18 000 véhicules ont été produits, un chiffre qui devrait atteindre 60 000 unités en 2025 et 90 000 en 2026, mais qui reste insuffisant pour satisfaire une demande nationale galopante. Ce déséquilibre entre offre et demande a logiquement orienté une bonne partie des Algériens vers les filières d’importation parallèle, qui exigent l’achat massif d’euros sur le marché noir, d’où la flambée du taux de l’euro face au dinar.

Autre facteur déterminant : l’émergence récente d’une filière chinoise pour l’importation de véhicules neufs. Longtemps dominé par les marchés français et émirati, le secteur voit aujourd’hui des importateurs algériens se tourner massivement vers la Chine. Malgré une logistique plus coûteuse, les prix bas des constructeurs chinois, dont Volkswagen et Skoda installés localement, séduisent fortement. Cela explique pourquoi certains opérateurs algériens se sont même installés en Chine pour organiser et sécuriser l’achat et l’expédition de véhicules. Une telle activité exige d’énormes volumes de devises, alimentant encore davantage la demande en euros sur le marché parallèle, et creusant ainsi l’écart entre l’euro et le dinar, au détriment du taux officiel de la banque d’Algérie.

En parallèle, d’autres besoins structurels viennent renforcer cette pression sur la devise européenne. Il s’agit notamment des voyages touristiques, des frais médicaux à l’étranger, des études supérieures hors du pays et du commerce dit « du cabas ». Ce dernier, régularisé par une récente mesure gouvernementale donnant un statut légal aux micro-entrepreneurs, a intensifié les échanges de devises à des fins commerciales. Les pensionnés résidant à l’étranger, dont les retraits sont permis en euros en dehors de l’Algérie jusqu’à 7 500 euros par an sous conditions, représentent aussi une autre source de demande qui influence l’équilibre euro–dinar.

Parmi les outils mis en place pour freiner cette inflation monétaire informelle, l’État a annoncé une hausse de l’allocation touristique annuelle, désormais fixée à 750 euros par personne. Cette annonce, faite fin 2024 pour application en 2025, visait à capter une partie des échanges hors circuit bancaire officiel. Toutefois, cette mesure reste encore en attente d’application concrète. Sans cette allocation, nombre de citoyens se rabattent sur le marché parallèle, alimentant encore la spirale de hausse du taux de l’euro face au dinar. En l’absence de mécanismes efficaces pour réorienter les flux monétaires vers les circuits officiels, le marché informel reste un terrain fertile pour une forte volatilité.

Ainsi, la combinaison entre la forte demande pour l’importation de véhicules, le commerce parallèle légalisé et les besoins personnels en devises constitue un terreau favorable à l’envolée du cours de l’euro. La banque d’Algérie, bien qu’ayant fixé un taux officiel euro–dinar bien en deçà de celui du marché noir, ne peut à elle seule contrer l’effet cumulatif de ces pressions. Tant que la demande en devises reste soutenue et que les réponses institutionnelles tardent à se concrétiser, le dinar algérien continuera de subir cette dynamique, laissant l’euro s’imposer comme la valeur refuge des transactions en dehors des canaux officiels.