Le prestigieux prix Goncourt 2024, récemment décerné à Kamel Daoud pour son roman Houris, est désormais au cœur d’un scandale qui risque d’entacher la réputation de l’écrivain algérien. Saada Arbane, une jeune femme originaire d’Oran, affirme que Houris est en réalité le récit volé de son propre drame, puisé dans ses confidences personnelles faites lors de séances thérapeutiques à la psychiatre, l’épouse de Kamel Daoud. Cette dernière, qu’elle consulte depuis 2015, aurait, selon Saada, trahi le secret professionnel en transmettant son histoire intime à son mari, sans son consentement.
Dans une interview émotive accordée à la chaîne algérienne One TV, Saada Arbane, accompagnée de son mari, a raconté comment son histoire tragique a été exploitée dans le roman Houris, sans son autorisation. Elle revient sur les événements traumatisants qu’elle a vécus durant la guerre civile algérienne, plus précisément la décennie noire, et explique comment elle avait toujours cherché à garder son passé privé, malgré les sollicitations médiatiques. À 16 ans, Saada était une victime des violences islamistes qui ont marqué cette période sombre de l’histoire de l’Algérie. Bien que son parcours ait suscité l’intérêt de nombreux journalistes, Saada et sa défunte mère avaient toujours refusé de dévoiler ces souffrances, préférant préserver leur intimité.
L’affaire a pris une tournure plus grave lorsque Saada a appris que son histoire semblait avoir été racontée dans Houris, un roman qu’elle n’avait jamais autorisé. C’est après avoir reçu plusieurs messages de proches, notamment une amie vivant en France, que Saada a découvert le lien entre le roman et sa propre vie. Ce livre, qu’elle n’avait jamais lu, semblait décrire des éléments de son existence de façon troublante. Elle a alors décidé de confronter la psychiatre, l’épouse de Kamel Daoud, qui lui a présenté une copie dédicacée du livre, avec une inscription flatteuse : « Notre pays a souvent été sauvé par des femmes courageuses, et tu es l’une d’entre elles, avec mon admiration ».
En lisant Houris, Saada a été choquée de découvrir que de nombreux détails de son vécu y étaient décrits avec une précision glaçante : les cicatrices sur son visage, sa canule au cou, son salon de beauté, sa tentative d’avortement, et même son projet d’opération en France, autant de détails qu’elle avait partagés dans un cadre thérapeutique. L’ampleur de la ressemblance entre les événements du livre et sa propre vie a bouleversé Saada, qui se sent trahie et exploitée.
Selon Saada, lors de la rencontre avec l’épouse de Kamel Daoud, cette dernière lui aurait laissé entendre que le roman pourrait être adapté en film. Elle aurait également suggéré que Saada pourrait tirer un profit financier de sa participation au projet, une proposition qui a ajouté à la douleur de la jeune femme, qui se sentait déjà dépossédée de son histoire. Bien qu’elle ait clairement exprimé son refus d’adapter son vécu en livre, Saada accuse la psychiatre de ne pas avoir respecté son souhait et de l’avoir trahie en transmettant des informations confidentielles à son mari.
Avant l’éclatement de cette affaire, Kamel Daoud avait affirmé à plusieurs reprises que Houris était une œuvre de fiction, et non une histoire basée sur des événements réels. Cependant, face aux accusations, ni l’écrivain ni son épouse n’ont encore réagi publiquement. Leur silence laisse planer un doute sur la véracité des accusations de Saada Arbane, et alimente une polémique qui risque de ternir l’image de l’auteur du Goncourt 2024.
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