Le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzerd, a récemment levé le voile sur une réalité peu connue mais cruciale dans le domaine de l’importation en Algérie, en particulier lorsqu’il est question de la conformité des marchandises.
Dans une réponse adressée au député Ahmed Rabhi, il a détaillé les démarches à suivre pour les opérateurs économiques confrontés à des marchandises non conformes. Il a ainsi expliqué que certains importateurs sont désormais contraints de recourir à deux instruments spécifiques afin de se protéger en cas d’anomalie constatée lors de la réception de leurs marchandises : le transfert gratuit ou la remise conditionnelle contre acceptation. Ces deux options, bien que légales, ne sont pas contraignantes pour les banques, et n’obligent donc pas automatiquement ces dernières à honorer le paiement des fournisseurs en cas de litige ou d’incohérence entre la commande initiale et la marchandise livrée.
Cette clarification ministérielle sur les opération d’importation en Algérie s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures visant à renforcer les mécanismes de régulation et de sécurité des transactions à l’international. Abdelkrim Bouzerd a également précisé que, dans le cadre des opérations dites « documentaires », les banques sont tenues de régler les montants dus aux fournisseurs dès lors que ces derniers présentent les documents requis, tels que la facture et le connaissement, conformément aux termes de la lettre de crédit ouverte. Ces lettres de crédit, aussi appelées engagements de paiement irrévocables, sont régies par des règles strictes et reconnues à l’échelle internationale. Elles sont indépendantes des contrats commerciaux signés entre l’importateur et le fournisseur, ce qui signifie que la banque se base uniquement sur les documents fournis, et non sur la nature ou la qualité des biens effectivement reçus.
Ce fonctionnement soulève une problématique de fond pour les importateurs algériens : si les marchandises livrées ne correspondent pas aux normes convenues ou présentent des défauts, la banque ne peut en aucun cas bloquer ou contester le paiement si les documents sont en règle. C’est dans cette optique que le ministère recommande d’introduire, en amont, des clauses de sécurité dans les contrats commerciaux. Ces clauses permettent aux importateurs d’exiger, par exemple, des certificats de qualité ou des garanties émises par les fournisseurs avant tout paiement définitif. L’option du transfert gratuit, qui permet à l’importateur de ne pas transférer les fonds tant que certaines conditions ne sont pas remplies, ou celle de la remise contre acceptation – où le paiement ne se fait qu’après validation explicite – sont dès lors perçues comme des filets de sécurité contractuelle.
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Le ministre a par ailleurs souligné que ces mesures ont été instaurées pour offrir aux opérateurs économiques une marge de négociation supplémentaire, leur permettant ainsi d’éviter de lourdes pertes financières. Car dans les faits, une fois que la banque a procédé au paiement sur la base des documents, l’importateur n’a plus de levier immédiat, à moins d’engager une action juridique souvent longue et coûteuse. C’est donc en prévention que doivent intervenir les deux mécanismes évoqués : insérés dans le contrat initial, ils deviennent des outils essentiels de maîtrise du risque.
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Il apparaît aussi que ces mesures, relatives aux opérations d’importation en Algérie, s’inscrivent dans un cadre plus large de responsabilisation des importateurs algériens face à la complexité croissante des échanges internationaux. La mondialisation des marchés et la multiplicité des fournisseurs exigent en effet des stratégies contractuelles solides, capables d’anticiper les défaillances potentielles. En ce sens, le recours au transfert gratuit ou à la remise conditionnelle représente une réponse pragmatique à un enjeu de fiabilité. Elles offrent une possibilité de blocage temporaire des fonds ou de révision des engagements de paiement, en attendant la vérification complète de la marchandise.
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Pour les opérateurs algériens, cette directive du ministère des Finances marque donc une évolution importante du cadre réglementaire, mettant en avant la nécessité d’une anticipation juridique et contractuelle dans les opérations d’importation. Elle rappelle également que, si les banques n’ont pas à juger de la conformité physique des biens, les importateurs disposent malgré tout d’outils contractuels leur permettant d’exiger des preuves de qualité, d’encadrer les conditions de paiement et d’éviter ainsi des situations préjudiciables. Ce changement de posture impose donc une plus grande rigueur dans la rédaction des contrats et une vigilance accrue lors de la sélection des fournisseurs, dans un environnement où la lettre de crédit demeure une arme à double tranchant.