Importation : « le taux de change officiel » appliqué aux commerçants du cabas ?

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En Algérie, un vent de régularisation souffle sur une catégorie de commerçants longtemps considérée comme informelle : les trabendistes, ou commerçants du cabas. Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a clairement exprimé sa volonté de « régler globalement et définitivement » leur situation, en proposant leur intégration dans le cadre de l’activité légale du commerce extérieur. L’objectif est ambitieux : faire de ces acteurs souvent marginalisés des auto-entrepreneurs pleinement reconnus par la loi.

Cette démarche, saluée par plusieurs spécialistes, devrait permettre à l’État d’élargir sa base fiscale tout en offrant aux commerçants du cabas une stabilité professionnelle. Hamza Boughadi, directeur de la Société d’études économiques et développement des investissements (SEEDI), estime qu’il s’agit là d’une opportunité double : pour les institutions publiques, c’est l’occasion de récupérer des recettes fiscales jusque-là perdues, et pour les trabendistes, c’est la possibilité de bénéficier d’une carte d’auto-entrepreneur, de garanties juridiques, et d’une activité plus sereine, à l’abri des risques de saisie.

Mais Boughadi ne s’arrête pas là. Il va plus loin, en avançant une proposition audacieuse : appliquer le taux de change officiel aux commerçants du cabas dans le cadre de cette régularisation. Une telle mesure, selon lui, permettrait d’encourager une transition progressive vers une économie plus transparente, en éloignant ces acteurs du marché parallèle. Dans cette logique, il suggère également de mettre en place une domiciliation bancaire fondée sur le taux de change officiel, un mécanisme qui favoriserait la traçabilité et limiterait les flux financiers informels. Cette domiciliation pourrait, selon lui, s’accompagner d’un fonds spécial financé par les commerçants eux-mêmes pour soutenir ce secteur en mutation.

La proposition d’utiliser le taux de change officiel est donc centrale dans la vision de Boughadi, qui y voit un levier d’intégration économique et de modernisation du commerce parallèle. Pour autant, rien n’a encore été tranché à ce sujet par les autorités, et la suggestion reste pour le moment au stade de réflexion. Néanmoins, elle ouvre le débat sur la manière dont l’Algérie pourrait repenser sa relation avec le commerce informel, en utilisant les outils du système bancaire et du régime de l’auto-entrepreneuriat.

Dans un autre dossier, celui de l’allocation touristique, le directeur de la SEEDI n’a pas manqué de faire entendre sa voix. Rappelons qu’en décembre 2024, le président Tebboune avait décidé d’augmenter le montant de cette allocation à 750 € pour les adultes et 300 € pour les mineurs, contre environ 100 € auparavant, calculés sur le taux de change officiel. L’entrée en vigueur était initialement prévue pour janvier 2025. Or, à ce jour, aucune modalité concrète n’a encore été publiée, laissant les citoyens dans l’attente.

Invité de la Chaîne 1 de la Radio algérienne, Hamza Boughadi a exprimé son incompréhension face à ce retard. Il a salué la réactivité du président mais n’a pas caché son agacement face à la lenteur de la mise en œuvre. Pour lui, il est essentiel de s’interroger sur ce décalage entre les décisions présidentielles et leur concrétisation sur le terrain. Il souligne que cette allocation a été intégrée au budget 2025, mais que cinq mois après, les voyageurs algériens ne peuvent toujours pas en bénéficier, au taux de change officiel annoncé.

Au croisement de ces deux dossiers — commerçants du cabas et allocation touristique — une constante revient : le taux de change officiel. Tantôt outil de régulation, tantôt symbole d’un écart avec le marché parallèle, il cristallise les attentes et les débats. Son application potentielle aux trabendistes, comme proposée par Boughadi, pourrait marquer une nouvelle ère pour le commerce en Algérie. Mais pour que cela fonctionne, il faudra des mesures concrètes, un cadre clair, et surtout, la volonté de traduire les décisions en actions palpables.