La relation entre Alger et Paris traverse une période de turbulence, et les conséquences de cette tension diplomatique se répercutent sur le commerce entre les deux pays. L’un des secteurs les plus touchés est celui des importations agricoles, notamment le blé français, qui constituait autrefois l’un des piliers des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France. Aujourd’hui, la donne a radicalement changé. Après avoir importé massivement des céréales tricolores pendant des décennies, l’Algérie a progressivement réduit sa dépendance au blé français, jusqu’à atteindre un niveau historiquement bas.
Depuis 2019, la chute des exportations françaises vers l’Algérie a été brutale. Alors que la France fournissait encore cinq millions de tonnes de blé à son ancien territoire colonial cette année-là, générant un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros, ce volume s’est effondré en seulement cinq ans. En 2024, les exportations ne représentaient plus que 1,5 million de tonnes. Et, selon plusieurs sources du secteur céréalier, les importations de blé français en 2025 pourraient être quasiment nulles.
Les raisons de ce bouleversement sont multiples. Officiellement, Alger justifie ce changement par des considérations économiques et stratégiques. Pour sécuriser son approvisionnement alimentaire, l’Algérie a entrepris une diversification de ses fournisseurs dès 2020, après avoir revu son cahier des charges sur les importations de céréales. La révision des critères techniques a ouvert la voie à de nouveaux acteurs comme la Russie et l’Ukraine, dont le blé est proposé à des prix plus compétitifs. En 2024, près de 30 % des importations algériennes provenaient de Moscou, qui s’est imposée comme un fournisseur de premier plan en Afrique.
Mais la réalité dépasse la simple logique commerciale. Derrière cette réorientation se cache un contentieux politique qui ne cesse de s’envenimer entre les deux pays. La reconnaissance par Emmanuel Macron du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental a été perçue comme une provocation par Alger, qui soutient historiquement la cause sahraouie. Ce geste a accéléré une dynamique de rupture qui s’était déjà amorcée avec d’autres dossiers sensibles, notamment la politique française des visas ou encore la détention de l’écrivain Boualem Sansal.
L’Algérie n’a pas seulement réduit ses importations de blé français : elle a également exclu la France de ses appels d’offres. En octobre 2024, l’Office algérien interprofessionnel des céréales a lancé un marché de 500 000 tonnes sans même convier les fournisseurs français. Un signal fort qui confirme la volonté des autorités algériennes de couper les ponts sur ce secteur stratégique. La dernière livraison de blé français à destination de l’Algérie remonte à juillet 2024, quelques jours avant que Paris ne resserre ses liens avec Rabat.
La riposte algérienne ne s’est pas limitée aux céréales. De nombreux autres produits français se trouvent désormais dans une situation délicate. Les importations de lait en poudre, de produits pharmaceutiques et d’équipements industriels en provenance de France ont connu une nette diminution. L’Algérie explore d’autres pistes, notamment en Chine et en Turquie, afin de diversifier ses sources d’approvisionnement et de limiter son exposition aux décisions politiques françaises.
Pour la France, la perte du marché algérien représente un manque à gagner considérable. L’Hexagone a dû réorienter ses exportations vers d’autres pays, en particulier le Maroc, qui est devenu le premier importateur de blé français devant la Chine. Cette nouvelle configuration illustre la fragilité des liens économiques lorsque ceux-ci sont étroitement liés aux aléas diplomatiques.
Alors que le président Abdelmadjid Tebboune a tenté d’apaiser les tensions en affirmant que la crise était entre de « bonnes mains », l’impact commercial de ce refroidissement est déjà visible. L’Algérie et la France sont condamnées à coexister, mais le commerce entre elles n’est plus ce qu’il était. La relation, jadis privilégiée, semble avoir atteint un point de non-retour, et le blé français n’est qu’un symbole parmi d’autres de cette fracture grandissante.
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