Influenceurs algériens en France : le Conseil d’État prend une décision inattendue 

Algérien Conseil d'État

Dans une affaire devenue emblématique des tensions actuelles autour des politiques migratoires et de liberté d’expression, le Conseil d’État a pris une décision majeure concernant l’influenceur algérien connu sous le pseudonyme « Doualemn ». Suivi par plus de 138 000 abonnés sur TikTok, ce dernier a vu son nouveau recours rejeté par la plus haute juridiction administrative française. Le référé-liberté qu’il avait introduit pour contester son second arrêté d’expulsion a été invalidé, selon un communiqué transmis ce mardi 8 avril à BFMTV par ses deux avocates, Marie David-Bellouard et Julie Gonidec. La juridiction a estimé que la mesure prise par le ministère de l’Intérieur ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale à sa vie privée et familiale.

L’affaire remonte au mois de janvier, lorsque l’influenceur a diffusé une vidéo controversée dans laquelle il appelait à administrer une « sévère correction » à un opposant au régime algérien. Ce contenu lui a valu une condamnation le 6 mars à cinq mois de prison avec sursis pour « provocation non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit ». Cet acte avait également conduit les autorités françaises à lui retirer son titre de séjour et à émettre un premier arrêté d’expulsion. Le 9 janvier, il était ainsi renvoyé vers l’Algérie. Mais à la surprise générale, Alger avait immédiatement refusé son accueil sur le territoire et l’avait réexpédié vers la France, provoquant un véritable incident diplomatique entre les deux pays.

Depuis ce retour inattendu, « Doualemn » est retenu au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, dans l’attente d’une solution juridique et diplomatique. Ses avocates avaient déjà introduit un premier référé-liberté devant le tribunal administratif de Paris, lequel avait rejeté leur demande par ordonnance le 25 mars 2025. La nouvelle tentative devant le Conseil d’État visait donc à bloquer l’exécution du second arrêté d’expulsion. Le rejet de ce recours par Conseil d’État marque une nouvelle étape, mais ne signifie pas que l’expulsion sera mise en œuvre immédiatement.

En effet, un obstacle administratif de taille subsiste : l’Algérie n’a pas encore délivré le laissez-passer consulaire nécessaire au renvoi de son ressortissant. Sans ce document officiel, l’expulsion reste suspendue à l’évolution des discussions diplomatiques entre Paris et Alger. Le ministère de l’Intérieur semble vouloir éviter un nouveau scénario d’échec, qui verrait « Doualemn » effectuer un aller-retour inutile entre les deux rives de la Méditerranée.

Dans leur communiqué, les avocates de l’influenceur dénoncent une dérive autoritaire et xénophobe de la politique migratoire française. Elles soulignent le fait que leur client est en situation régulière depuis 15 ans et que sa sanction administrative repose sur des propos isolés. Selon elles, cette expulsion est révélatrice d’une volonté politique de cibler certains profils pour envoyer un signal fort à l’opinion publique. Elles ajoutent que « le ministre de l’Intérieur a toute latitude pour choisir ses cibles, créer des contextes anxiogènes et réprimer », dénonçant ce qu’elles qualifient de « tournant répressif très grave ».

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Malgré ce revers judiciaire, la défense de « Doualemn » ne désarme pas. Le recours au fond, destiné à obtenir l’annulation définitive de l’arrêté d’expulsion, est toujours en cours. Les avocates affirment qu’elles poursuivront toutes les voies légales disponibles pour contester cette mesure, qu’elles estiment injuste et disproportionnée.

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L’affaire, très suivie sur les réseaux sociaux et dans les médias, s’inscrit dans un climat de crispation politique autour des questions d’immigration, d’intégration et de liberté d’expression. La posture de l’influenceur, à la fois figure publique controversée et sujet d’un imbroglio juridico-diplomatique, cristallise de nombreuses tensions. Elle soulève également des questions complexes sur le droit à l’expression, les limites de l’ordre public et le rôle des nouvelles figures médiatiques issues des plateformes numériques.

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Alors que les tractations se poursuivent entre Paris et Alger, l’avenir de « Doualemn » demeure incertain. En attendant un éventuel laissez-passer ou une décision favorable au fond, il reste confiné au Mesnil-Amelot, dans une situation où le droit, la politique et la communication s’entremêlent étroitement.