L’ancien président de l’Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari, s’est exprimé dans une interview accordée au média arabophone Elkhabar, abordant les tensions persistantes entre l’Algérie et la France. Homme politique d’expérience, ayant dirigé plusieurs ministères entre 1991 et 2013, il livre une analyse sans concession sur la dégradation des relations entre les deux pays. Selon lui, la situation évolue progressivement vers un point de non-retour, notamment en raison de l’attitude adoptée par Paris.
« Actuellement, nous ne sommes pas encore dans une rupture totale, mais nous nous dirigeons progressivement vers un point de non-retour », affirme Ziari. Il estime que l’Algérie a fait preuve de retenue et de pragmatisme, tandis que la France a suivi une ligne plus agressive, sous l’influence de son extrême droite, qui peine encore à accepter l’indépendance algérienne. « Je suis convaincu que certaines élites françaises n’ont jamais digéré l’indépendance de l’Algérie, ni le fait que notre pays exerce pleinement sa souveraineté », ajoute-t-il.
L’un des points de friction majeurs concerne la position française sur la question du Sahara occidental. En affichant son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc, la France a rompu avec sa position de neutralité historique, déclenchant ainsi une réaction ferme de l’Algérie. « Ils ont toujours prétendu être neutres, mais aujourd’hui, ils ont choisi leur camp. C’est un revirement politique qui en dit long sur leurs intentions », explique-t-il. Pour Ziari, ce choix ne relève pas d’une simple stratégie diplomatique, mais traduit une volonté plus profonde de s’opposer aux intérêts algériens.
L’ancien ministre met également en avant un élément souvent évoqué dans les relations franco-algériennes : l’attitude de la France à l’égard des pays qu’elle a autrefois colonisés. « 99 % des anciennes colonies françaises sont restées sous influence après leur indépendance. Mais l’Algérie, elle, a toujours résisté. Et cela, ils ne l’acceptent pas », souligne-t-il.
Dans son entretien, Abdelaziz Ziari rappelle une déclaration de Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères, selon laquelle la normalisation des relations entre les deux pays serait impossible tant que les anciens cadres du Front de libération nationale (FLN) resteraient au pouvoir. « C’est une vision dépassée et colonialiste », affirme Ziari. « Ils pensent qu’avec le départ de la génération de la guerre de libération, ils pourront imposer leur influence. Mais ils se trompent. »
Un autre facteur expliquant l’intensification des tensions réside, selon lui, dans le soutien inébranlable de l’Algérie à la cause palestinienne. « Notre position dérange des lobbies influents en France, notamment le courant sioniste et l’extrême droite », dit-il. Il fait également le lien entre cette crispation et l’évolution du débat sur l’islam et l’immigration en France. « Dès qu’ils parlent d’immigration ou d’Islam, ils finissent toujours par pointer du doigt l’Algérie. C’est devenu un réflexe chez eux. »
Les divergences entre les deux pays se sont accentuées ces dernières années avec la guerre en Ukraine. Ziari rappelle que la France, comme le reste de l’Europe, aurait souhaité voir l’Algérie se ranger derrière la position occidentale. Or, Alger a maintenu une posture équilibrée, refusant de s’aligner sur une logique de confrontation directe avec la Russie. « Nous ne sommes les vassaux de personne. Notre politique étrangère est indépendante et le restera », insiste-t-il.
Autre point de discorde : la question des expulsions et du refus de l’Algérie d’accueillir certains de ses ressortissants expulsés de France. Paris reproche régulièrement à Alger de ne pas respecter les conventions internationales en la matière, mais pour Ziari, cette critique est infondée. Il prend en exemple l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, estimant que la justice algérienne est en droit de poursuivre tout citoyen ayant enfreint la loi, sans traitement de faveur sous prétexte qu’il bénéficie du soutien des autorités françaises. « Pourquoi devrions-nous lui accorder un traitement spécial ? Parce qu’il plaît aux Français ? Notre justice est souveraine et s’applique à tous les citoyens de la même manière. »
Dans ce climat tendu, la France a récemment décidé d’interdire l’entrée sur son territoire aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Interrogé sur cette mesure, Abdelaziz Ziari a affirmé qu’il n’avait aucunement l’intention de se rendre en France avec ce document. « Je ne mettrai jamais les pieds en France en utilisant mon passeport diplomatique », tranche-t-il. Il souligne son refus de céder à ce qu’il perçoit comme une tentative d’intimidation et estime que l’Algérie doit réagir avec fermeté. « Nous devons retirer aux responsables français tous les avantages qu’ils nous refusent. Il faut cesser cette asymétrie qui ne profite qu’à eux. »
À ses yeux, l’attachement de certains responsables algériens à la France reste un problème majeur. « Le lien psychologique avec l’ancienne puissance coloniale est encore trop présent chez certains. Il est temps d’y mettre un terme. » Il considère que cette relation, souvent teintée d’une dépendance historique, doit être dépassée. « Pour ma part, même si j’ai reçu une formation en français et que je maîtrise mieux cette langue que certains Français, je ne vois plus aucun intérêt à maintenir des relations privilégiées avec Paris. »
Quant à l’avenir des relations entre Alger et Paris, Ziari estime qu’aucune rupture totale n’est envisageable, mais que le climat actuel risque d’entraîner un éloignement durable. « Les ponts ne sont pas encore coupés, mais si la France continue sur cette voie, nous pourrions atteindre un point de non-retour », conclut-il.
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