Le 8 décembre 2024 marquera un tournant pour les voyageurs algériens. Lors du Conseil des ministres, le président de la République a annoncé une mesure qui résonne comme une réponse audacieuse aux revendications populaires et aux défis économiques du pays : l’augmentation de l’allocation touristique annuelle à 750 euros. Ce montant, destiné à chaque citoyen souhaitant voyager à l’étranger, représente une avancée significative par rapport au plafond précédent de 15.000 dinars, soit un peu plus de 100 euros. Quel impact aura cette mesure phare du gouvernement sur le marché noir des devises en Algérie ?
Ce changement, loin d’être anodin, promet de bouleverser non seulement les habitudes des voyageurs, mais aussi l’équilibre du marché des devises en Algérie, où le marché parallèle domine depuis des décennies.
Selon l’économiste Chabane Assad, fondateur du cabinet de conseil Finabi, cette augmentation représente une décision stratégique. « La mesure va frapper de plein fouet le marché noir des devises, une source de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale et de spéculation », explique-t-il. Cette analyse est partagée par de nombreux experts, qui estiment que cette réforme cible particulièrement les petits acheteurs de devises, comme les touristes, les étudiants ou les malades voyageant pour des soins à l’étranger, qui alimentent une grande partie de la demande.
Mais cette réforme ne s’arrête pas à l’augmentation de l’allocation touristique. Une autre mesure cruciale est venue compléter le dispositif : le plafonnement strict de l’exportation des devises. Désormais, chaque voyageur algérien ne pourra plus sortir plus de 7.500 euros par an du territoire national, contre 7.500 euros par voyage auparavant. Ce double plafond vise à réduire les flux de devises qui échappaient au contrôle étatique et, dans bien des cas, alimentaient des circuits informels ou des pratiques illégales.
Ces mesures combinées constituent une offensive directe contre le marché parallèle. Outre les voyageurs légitimes, ce dernier est également soutenu par des réseaux bien organisés, comme ceux du « commerce du cabas » ou les circuits de blanchiment d’argent. Limiter les possibilités de sortie des devises, tout en augmentant les montants accessibles légalement via les banques, vise à tarir les sources d’approvisionnement et à rendre le recours au marché noir moins attractif.
Le choix du montant de 750 euros pour l’allocation touristique n’a pas été fait au hasard. Les autorités ont opté pour un montant qui permet de couvrir les besoins basiques d’un séjour court à l’étranger sans pour autant créer une nouvelle problématique : celle de l’utilisation abusive des allocations. Une somme plus élevée aurait pu encourager des pratiques de détournement, comme la thésaurisation ou la revente de devises, perpétuant ainsi le marché parallèle que cette réforme cherche à éliminer.
Cependant, il est indéniable que ce montant reste inférieur à ce qui est proposé dans les pays voisins. En Tunisie, par exemple, l’allocation touristique s’élève à 1.800 euros, tandis qu’en Égypte, elle atteint 10.000 euros. Cette différence, bien qu’elle puisse paraître désavantageuse pour les Algériens, reflète une volonté des autorités de progresser par étapes et d’ajuster les politiques en fonction des réalités économiques locales.
Sur le terrain, les réactions sont mitigées. Pour certains voyageurs réguliers, la hausse est un soulagement après des années de restrictions sévères. « Avec 100 euros, il était impossible de planifier un voyage sérieux, même pour des raisons médicales. Ce nouveau plafond, bien qu’encore modeste, offre un minimum de dignité aux Algériens souhaitant découvrir le monde ou se soigner à l’étranger », témoigne Karim, un étudiant algérien préparant un séjour d’études en Europe.
D’autres, cependant, pointent le fait que la différence avec les pays voisins pourrait limiter l’attractivité touristique ou commerciale de l’Algérie. « C’est un bon début, mais il faut aller plus loin pour harmoniser les politiques monétaires avec celles des pays de la région », estime Nadia, une professionnelle du secteur du voyage.
Cette réforme s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre le marché parallèle et de rationalisation de l’économie nationale. Elle marque une volonté claire des autorités de rétablir une gestion plus transparente et équitable des devises, tout en répondant aux attentes des citoyens.
Reste à voir si ces mesures porteront leurs fruits à long terme. Mais une chose est sûre : elles redéfinissent déjà les règles du jeu pour les Algériens, qu’ils soient voyageurs, commerçants ou simples citoyens. Le gouvernement, en prenant ce risque calculé, envoie un message fort : il est temps de reprendre le contrôle sur l’économie des devises et de tourner une page marquée par des décennies de marché noir dominant.
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