Les relations entre la France et l’Algérie sont régulièrement marquées par des tensions historiques et politiques, mais un aspect particulier de ces relations a récemment refait surface, ravivant les discussions : l’accord de 1968 qui régit le statut des ressortissants algériens en France. Ce traité, longtemps perçu comme un cadre de coopération entre les deux pays, fait aujourd’hui l’objet de débats sur sa pertinence dans le contexte géopolitique actuel. Alors, la France peut-elle révoquer cet accord unilatéralement, sans l’aval de l’Algérie ?
Pour comprendre cette question, il est nécessaire de revenir à l’origine de cet accord, qui fut signé au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, en 1968. À l’époque, l’Algérie et la France étaient liées par un passé complexe et douloureux, marqué par la guerre d’indépendance et la signature des accords d’Évian en 1962. Cet accord de 1968 a été conçu pour offrir un statut privilégié aux ressortissants algériens en France, notamment en facilitant leur circulation et leur séjour. Au-delà des frontières administratives, il symbolisait également un lien de solidarité entre les deux peuples, dans un contexte où la France cherchait à préserver des relations harmonieuses avec son ancienne colonie tout en la soutenant dans son processus d’indépendance.
Ce traité bilatéral permet aux ressortissants algériens de séjourner en France sans visa pour une durée supérieure à trois mois, leur attribuant ainsi un « certificat de résidence ». Ils bénéficient également d’un accès plus rapide à la délivrance d’un titre de séjour de longue durée après seulement trois ans, contre cinq ans pour les autres étrangers. Cette situation particulière a fait de l’Algérie un partenaire privilégié, tandis que d’autres nationalités étaient soumises à des démarches administratives plus complexes pour entrer et séjourner en France.
Cependant, ces avantages, initialement perçus comme un moyen de maintenir des relations cordiales, sont aujourd’hui au cœur de vifs débats, surtout dans le cadre des relations actuelles, plus tendues, entre Paris et Alger. Au fil des années, certains représentants politiques français ont évoqué la nécessité de réexaminer cet accord, voire de le remettre en cause. Le climat actuel, marqué par des tensions diplomatiques croissantes et des désaccords sur certains sujets comme les questions de migration et de sécurité, a relancé ces discussions.
Les voix critiques de cet accord se multiplient. Certains, comme l’ex-Premier ministre Édouard Philippe ou le président du Rassemblement National Jordan Bardella, plaident pour sa renégociation ou, plus radicalement, pour sa dénonciation. Ils estiment que cet accord, au fil des révisions qu’il a subies, ne correspond plus aux réalités contemporaines des relations franco-algériennes. Pour eux, il s’agit d’une exception qui n’a plus sa place dans le cadre actuel des relations internationales, où les équilibres ont profondément évolué. Mais cette remise en cause peut-elle être effectuée unilatéralement par la France ?
Pour répondre à cette question, il convient de s’attarder sur le caractère même de cet accord. En tant que traité bilatéral, il engage les deux nations. Si un des deux pays souhaite y mettre fin ou le modifier, il est essentiel d’obtenir l’accord de l’autre partie. C’est là toute la complexité du problème : même si la France décidait de révoquer cet accord, cela ne pourrait se faire sans l’accord préalable de l’Algérie. Autrement dit, la décision de révoquer l’accord de 1968 dépendra en grande partie de la volonté de l’Algérie, qui pourrait refuser de revenir sur ce traité symbolique et stratégique.
Me Mervé Erol, avocate spécialisée en droit des étrangers, précise à un média français que tant qu’il n’y a pas de progrès diplomatique substantiels, aucun changement significatif n’interviendra sur le plan juridique. En d’autres termes, le statu quo risque de persister, sauf si les deux pays parviennent à un consensus. Car, comme le souligne l’avocate, l’Algérie détient un levier de taille : si elle ne souhaite pas renégocier l’accord, la France se trouvera dans une impasse. Et si l’Algérie n’accepte pas d’engager une telle révision, rien ne changera, du moins à court terme.
Les critiques autour de cet accord ne concernent pas uniquement les aspects administratifs ou législatifs, mais aussi la perception qu’il donne de la relation franco-algérienne. Certains estiment qu’il est un vestige d’une époque révolue, marquée par un passé colonial et une dépendance des deux pays l’un envers l’autre. À une époque où l’Algérie cherche à affirmer son indépendance diplomatique et à diversifier ses partenariats internationaux, certains voix en France et en Algérie appellent à un renouveau des relations bilatérales, sans les fardeaux du passé.
En définitive, bien que des voix s’élèvent en France pour remettre en cause cet accord, la question de sa révocation ou de sa révision est loin d’être tranchée. La situation juridique demeure complexe et dépend de la volonté des deux pays. Si la France souhaite réellement mettre fin à cette situation, il lui faudra obtenir l’accord de l’Algérie, ce qui semble, pour l’instant, peu probable.
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