La France refuse de restituer les archives de l’Algérie et transforme ainsi la mémoire en un terrain d’affrontement symbolique. Plus de soixante ans après l’indépendance, la France conserve encore une grande partie des archives liées à la guerre de Libération, privant l’Algérie d’un patrimoine documentaire essentiel pour comprendre son histoire. La question des archives entre la France et l’Algérie dépasse le simple cadre administratif, elle constitue un enjeu majeur de souveraineté et de mémoire, révélant les traces profondes du colonialisme et les inégalités dans l’accès à l’histoire et à la vérité.
Depuis 2024, plusieurs millions de documents ont bien été restitués à l’Algérie, mais la France détient encore d’importants ensembles d’archives considérées comme stratégiques. Paris justifie cette rétention en revendiquant une souveraineté sur les archives qualifiées d’« État », refusant ainsi à l’Algérie le droit de reconstituer intégralement sa propre mémoire nationale. En opérant une distinction arbitraire entre archives administratives et archives dites souveraines, la France impose une politique sélective qui prolonge symboliquement les rapports de domination hérités de l’époque coloniale, selon El Moudjahid. Pour l’Algérie, cette politique des archives est perçue comme une atteinte directe à son droit imprescriptible sur son histoire.
La rétention de ces archives nourrit un profond ressentiment. L’Algérie dénonce une appropriation injuste de sa mémoire nationale, une manière pour la France de maintenir un contrôle sur un pan sensible de l’histoire commune. Cette confiscation des archives ne relève pas d’un simple différend technique mais d’une véritable bataille mémorielle. La guerre de Libération, qui permit à l’Algérie d’accéder à son indépendance, se poursuit aujourd’hui sur le terrain de la mémoire, et la France, en refusant de restituer totalement ces archives, empêche une compréhension complète des souffrances vécues. Les archives concernées touchent notamment aux crimes coloniaux, aux pratiques de répression, aux disparitions, à la torture et aux exactions commises, autant d’éléments indispensables pour rendre justice à la mémoire des martyrs et des chouhada.
Pour les chercheurs et les historiens, l’absence de restitution intégrale constitue un frein majeur. Les archives représentent une base incontournable pour documenter le colonialisme et développer une réflexion critique, nécessaire à une réconciliation sincère avec le passé. En France, la gestion sélective des archives s’accompagne d’un discours officiel qui continue parfois à valoriser le prétendu rôle « positif » de la colonisation. Cette tendance à glorifier le colonialisme, tout en refusant de reconnaître pleinement les crimes commis, renforce la fracture mémorielle entre la France et l’Algérie.
Cette querelle autour des archives n’est pas un simple débat académique. Elle a des répercussions diplomatiques directes. En 2025, une crise a éclaté entre Alger et Paris, révélant à quel point la question des archives reste une pomme de discorde dans les relations bilatérales. L’Algérie a même évoqué la possibilité de recourir à un arbitrage international pour contraindre la France à restituer la totalité de ces archives. Ce bras de fer montre combien les archives constituent bien plus que des documents historiques : elles sont au cœur d’une souveraineté nationale et d’un rapport de force mémoriel.
La position de l’Algérie est claire : la restitution intégrale des archives n’est pas un choix laissé à la bonne volonté de la France, mais une exigence légitime et un droit historique. L’État algérien insiste sur la nécessité de récupérer tous les fonds documentaires qui lui appartiennent, afin de reconstituer son histoire sans dépendre d’un ancien colonisateur. De son côté, la France continue de temporiser, renforçant le sentiment d’injustice et de spoliation dans l’opinion algérienne.
La mémoire demeure donc un champ de bataille. Tant que la France refusera de restituer pleinement les archives de l’Algérie, elle entretiendra une plaie encore ouverte dans les relations entre les deux pays. Cette bataille des archives n’est pas une simple revendication patrimoniale, mais bien la continuation, sur le terrain symbolique, de la lutte pour l’indépendance. La France détient encore aujourd’hui une partie de l’histoire de l’Algérie, et tant que cette situation perdurera, la réconciliation véritable restera compromise. La restitution des archives est non seulement une question de justice historique, mais aussi un impératif pour tourner définitivement la page d’un passé colonial douloureux.