Le contentieux du droit des étrangers en France connaît régulièrement des situations où des décisions administratives sont prises en violation des accords bilatéraux existants. L’affaire de M. OP, ressortissant algérien, illustre parfaitement cette problématique. Dans ce dossier, le premier responsable de la préfecture de police de Paris a refusé de délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans en se basant sur une prétendue menace à l’ordre public, une notion qui n’est pourtant pas expressément prévue par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2025, suivie de mémoires complémentaires déposés les 28 et 31 janvier 2025, M. OP a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Il demandait la suspension de l’arrêté du 26 juin 2024, pris par le préfet de police, qui refusait le renouvellement de son titre de séjour, l’obligeait à quitter le territoire français, fixait le pays de destination et lui interdisait tout retour en France pendant cinq ans. C’est en effet ce que détaille Fayçal Megherbi, avocat spécialisé en droit des étrangers, dans une contribution transmise à la rédaction de DNAlgérie.
M. OP sollicitait également que le préfet de police réexamine sa situation et lui délivre un certificat de résidence dans un délai d’un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Sur l’urgence
L’urgence, dans ce type d’affaire, est généralement présumée, puisque le refus de renouvellement d’un titre de séjour place immédiatement l’étranger en situation irrégulière. En l’espèce, M. OP est en France depuis 2011 et a obtenu un certificat de résidence d’un an en 2020 en tant que parent d’un enfant français. Depuis le 30 août 2023, il est sans titre de séjour valide, ce qui le prive de droits fondamentaux et l’expose à des conséquences dramatiques :
- Il risque d’être éloigné de son épouse et de son fils mineur, tous deux de nationalité française.
- Son emploi, et donc sa stabilité financière, est menacé.
- Il pourrait être expulsé vers l’Algérie alors qu’il est pleinement intégré en France.
Ainsi, le juge des référés a logiquement reconnu que la condition d’urgence était remplie.
Sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté
Violation de l’accord franco-algérien de 1968
L’accord franco-algérien prévoit des dispositions spécifiques concernant la délivrance des certificats de résidence. Selon son article 7 bis, tout ressortissant algérien ascendant direct d’un enfant français mineur résidant en France, qui exerce l’autorité parentale ou subvient à ses besoins, a droit de plein droit à un certificat de résidence de dix ans après trois années de résidence régulière, détail qu’a visiblement ignoré la préfecture de Police de Paris.
M. OP remplissait ces conditions :
- Il est le père d’un enfant français né en 2018, vivant en France.
- Il exerce l’autorité parentale sur son enfant et subvient à ses besoins.
- Il réside en France de manière ininterrompue depuis 2011.
Le préfet de police a pourtant refusé son titre en invoquant une prétendue menace à l’ordre public. Or, l’accord franco-algérien ne prévoit pas cette condition pour le renouvellement d’un titre de séjour pour les parents d’enfants français.
Erreur manifeste d’appréciation
Le refus de délivrance du certificat de résidence a été motivé par une condamnation pénale antérieure. M. OP avait été condamné en 2017 pour des violences familiales, mais :
- Il n’a eu aucun antécédent judiciaire avant ou après cette condamnation.
- Il s’est depuis marié avec la mère de son enfant en 2022, qui était la partie civile dans cette affaire.
- Il est parfaitement inséré socialement et professionnellement.
Ainsi, l’invocation d’une menace à l’ordre public est infondée, d’autant plus qu’aucune nouvelle infraction n’a été commise depuis près de huit ans.
Accord franco-algérien : les arguments de la préfecture de police de Paris
Le préfet de police s’est appuyé sur l’extrait de casier judiciaire de M. OP pour justifier son refus. Il avançait que :
- La menace à l’ordre public est un motif légitime pour refuser un titre de séjour.
- L’ancienneté du séjour de M. OP et sa carrière professionnelle ne sont pas établies de manière suffisante.
Toutefois, cette argumentation de la préfecture de Police de Paris ne tient pas juridiquement face aux dispositions de l’accord franco-algérien qui garantissent un droit au séjour aux parents d’enfants français sans mention de la menace à l’ordre public comme critère d’exclusion.
Décision du juge des référés
Le tribunal administratif a suspendu l’exécution de l’arrêté du 26 juin 2024. Le juge a considéré que la décision préfectorale portait une atteinte grave à la vie familiale de M. OP et que l’absence de condamnations récentes ne permettait pas de justifier un risque actuel pour l’ordre public.
Il a donc été enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. OP dans un délai d’un mois.
Enseignements et implications
Cette affaire met en lumière une pratique fréquente des préfectures : l’invocation abusive de la menace à l’ordre public pour contourner les obligations posées par l’accord franco-algérien. Or, ce dernier, en tant qu’accord bilatéral, prime sur les dispositions générales du droit des étrangers en France.
Le cas de M. OP souligne plusieurs points essentiels :
- Le respect des accords internationaux
La France ne peut pas, sous couvert de politique migratoire, écarter des règles claires établies par un accord bilatéral. - L’importance de la vie familiale et du droit de l’enfant
L’expulsion d’un parent d’enfant français contrevient aux principes fondamentaux du droit à la vie familiale, protégés par la Convention européenne des droits de l’homme. - L’absence de menace actuelle comme critère décisif
Une condamnation ancienne ne saurait justifier indéfiniment un refus de titre de séjour, surtout lorsque l’étranger a démontré une réintégration réussie dans la société.
Ce jugement pourrait servir de jurisprudence pour d’autres cas similaires, rappelant que les autorités administratives doivent respecter les accords internationaux en vigueur et ne pas user abusivement du concept de menace à l’ordre public pour justifier des refus de titres de séjour.
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