L’accord franco algérien sera-t-il vraiment supprimé par le nouveau ministre de l’intérieur Bruneau Retailleau ? Le débat risque de faire rage, encore une fois dans l’Hexagone.
La nouvelle est tombée ce dimanche 22 septembre : Michel Barnier, désormais à la tête du gouvernement français, a dévoilé la composition de son équipe. Parmi les nominations qui font grincer des dents et applaudissent à la fois, celle de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur fait déjà couler beaucoup d’encre. Chef de file des Républicains au Sénat, Retailleau n’est pas un inconnu des débats houleux, surtout lorsqu’il s’agit d’immigration.
Ses sorties médiatiques sont souvent teintées de polémiques. Lors des émeutes qui ont suivi la mort tragique de Nahel en juin 2023, Retailleau avait choqué en évoquant une « régression vers les origines ethniques » dans les banlieues. Il avait appelé à une « reconquête régalienne » de ces quartiers, qualifiant ces zones de « territoires perdus de la République ». Ces propos, jugés par certains comme racistes, illustrent le positionnement sans filtre du nouveau ministre.
En mai 2023, Retailleau avait déjà préparé le terrain pour cette nouvelle phase de sa carrière politique. Aux côtés d’Eric Ciotti, président des Républicains, et d’Olivier Marleix, leader du parti à l’Assemblée nationale, il avait mis la pression sur Emmanuel Macron, exigeant une législation plus stricte en matière d’immigration. Parmi leurs demandes phares de Bruneau Retailleau, figurait la dénonciation de l’accord franco algérien de 1968, un texte vieux de plus de cinquante ans, permettant aux Algériens de bénéficier d’un statut particulier en France. Retailleau avait déclaré qu’il fallait « couper les pompes aspirantes », appelant à un référendum pour laisser les Français trancher sur la politique migratoire.
La question des accords de 1968 est donc revenue sur le devant de la scène. Le 26 juin 2023, Retailleau a déposé une proposition au Sénat pour dénoncer ces accords, appelant la France à en finir avec ce qu’il considère comme un obstacle à la gestion de l’immigration. Pour Retailleau, l’Algérie fait preuve de mauvaise volonté, et aucune renégociation ne semble possible. Seule la rupture unilatérale de ces accords pourrait, selon lui, freiner l’immigration de masse.
Ainsi, l’arrivée de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur est perçue par beaucoup comme un tournant pour la politique migratoire française. Sa vision tranchée et sans compromis promet d’alimenter le débat politique et de cristalliser les tensions, tant sur la scène nationale qu’internationale. Une chose est sûre : le nouveau ministre de l’Intérieur n’a pas fini de faire parler de lui, et son mandat s’annonce d’ores et déjà comme celui des confrontations directes et des positions rigides.
Il est à rappeler que, jeudi 7 décembre 2023, l’Assemblée nationale a rejeté une proposition de résolution portée par Les Républicains (LR), visant à inciter les autorités françaises à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968. Cet accord accorde aux ressortissants algériens un statut particulier en matière de circulation, de séjour et d’emploi en France. Le texte, présenté lors de la « niche parlementaire » des LR, a été repoussé avec 151 voix contre et 114 pour.
Les députés LR ont critiqué l’accord de 1968, le qualifiant de « quasi-droit automatique à l’immigration », notamment parce qu’il permet aux Algériens de s’établir en France sans passer par le régime de droit commun de l’immigration. Depuis 1968, les Algériens reçoivent des « certificats de résidence » au lieu d’une carte de séjour classique et peuvent plus facilement obtenir des titres de séjour de dix ans. Le texte rejeté faisait écho aux débats sur le projet de loi du gouvernement visant à mieux contrôler l’immigration, prévu pour examen à l’Assemblée le 11 décembre.
Malgré certaines voix favorables à l’envoi d’un « signal » à l’Algérie, le groupe Renaissance a décidé de s’opposer à la résolution. Huguette Tiegna, oratrice pour le groupe, a estimé qu’une révision de l’accord était nécessaire mais qu’une dénonciation unilatérale serait perçue comme une « agression » par l’Algérie, un pays qualifié de voisin et ami. Le Rassemblement national (RN) a soutenu la proposition LR, tandis que les groupes de gauche l’ont vigoureusement critiquée. Sabrina Sebaihi, députée écologiste, a dénoncé ce qu’elle considère comme une tentative des LR de flatter une frange radicale de leur électorat, rappelant que l’accord comporte également des dispositions défavorables aux Algériens, notamment les étudiants.
La communiste Soumya Bourouaha a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait ni de « privilèges » ni d’une « anomalie », mais des conséquences d’une « histoire commune ». Pour Bastien Lachaud de La France Insoumise, le texte LR s’apparentait à un « tract d’extrême droite ».
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