Un vaste réseau de trafic de véhicules volés reliant la France à l’Algérie vient d’être mis au jour à Marseille, jetant un froid sur les circuits logistiques entre les deux pays. Cette affaire a entraîné la mise en examen de dix personnes, dont cinq ont été placées en détention provisoire. L’enquête, lancée en 2024, révèle un système bien rodé de maquillage de véhicules, opérant depuis plusieurs années dans l’ombre des terminaux portuaires français, avec l’Algérie comme destination finale. Les faits, rendus publics ce mardi par le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, concernent un préjudice estimé à près de 30 millions d’euros.
Tout commence au cœur de l’année 2024 lorsque plusieurs procédures judiciaires convergent vers un point commun : des véhicules systématiquement volés, maquillés et envoyés vers l’Algérie. Ces véhicules, souvent loués à l’étranger, étaient acheminés en France avant même d’être signalés volés. Cela laissait aux membres du réseau le temps nécessaire pour modifier leur apparence, leur numéro d’identification, obtenir des immatriculations provisoires et les faire expédier discrètement. En moyenne, vingt véhicules par mois transitaient par ce canal illicite, un flux continu entre la France et l’Algérie qui faisait passer inaperçues des opérations illégales parfaitement huilées.
Ce mécanisme n’aurait pu fonctionner sans l’aide de complices bien placés. Des individus exerçant des responsabilités au sein du Grand Port Maritime de Marseille sont soupçonnés d’avoir facilité l’entrée des véhicules dans l’enceinte portuaire, en échange de paiements. Ces véhicules, une fois à l’intérieur, étaient dissimulés dans un hangar sécurisé, situé dans une zone d’accès restreint. Là, à l’abri des regards, les trafiquants pouvaient opérer en toute tranquillité, préparant les véhicules avant leur envoi vers l’Algérie. C’est dans ce contexte que la France a découvert à quel point ses infrastructures pouvaient être infiltrées.
Le 30 janvier 2025, une information judiciaire a été ouverte. La Division de la Criminalité Territoriale, épaulée par le Groupe Interministériel de Recherche, a été chargée d’enquêter en profondeur, notamment sur l’aspect patrimonial de l’affaire. Les enquêteurs ont eu recours à de multiples techniques spéciales : surveillances physiques, interceptions de communications, captations d’images… autant de moyens qui ont permis d’identifier les membres de ce réseau structuré. L’objectif était clair : démanteler un trafic qui utilisait la France comme tremplin et l’Algérie comme point d’atterrissage des véhicules.
L’opération de police a eu lieu le jeudi 22 mai. Elle a permis d’interpeller dix individus suspectés d’être impliqués dans cette organisation. Lors des perquisitions, les autorités ont mis la main sur plus de 60 000 euros en espèces, des montres de luxe, douze véhicules, ainsi que du matériel destiné à maquiller les voitures. Les personnes arrêtées ont été présentées à la justice entre le 24 et le 26 mai. Toutes ont été mises en examen pour recel de vol en bande organisée, blanchiment, faux et usage de faux. Cinq d’entre elles ont été placées en détention provisoire, tandis que les cinq autres ont été laissées libres sous contrôle judiciaire.
Cette affaire souligne l’ampleur du problème que représentent ces réseaux de trafic de véhicules entre la France et l’Algérie. Les autorités françaises, conscientes de la répétition de ces trafics, redoublent désormais de vigilance dans les ports. Le rôle des infrastructures comme relais logistique dans le transport illégal de véhicules n’est plus à prouver. Entre Marseille et l’Algérie, ce sont donc des dizaines de véhicules qui ont transité illégalement chaque mois, générant des bénéfices colossaux pour les réseaux criminels.
Avec l’arrestation des suspects et les mises en examen, les autorités françaises espèrent avoir porté un coup dur à cette filière. Cependant, la vigilance reste de mise. Car si les véhicules ont bien été localisés en France et identifiés avant leur départ vers l’Algérie, d’autres circuits pourraient encore exister. Cette affaire remet aussi en lumière la nécessité d’une coopération renforcée entre la France et l’Algérie pour endiguer ce type de trafic transfrontalier, tout en sécurisant les ports et les points de transit. L’écho médiatique autour de cette enquête témoigne d’un besoin croissant de transparence et de contrôle sur les flux de véhicules entre les deux rives de la Méditerranée.