« L’Algérie ne saurait accepter… » : la pique subtile de Tebboune à Retailleau 

Tebboune diaspora algérienne

Alors que les relations franco-algériennes sont régulièrement traversées par des turbulences liées à la mémoire coloniale, Abdelmadjid Tebboune a, une nouvelle fois, rappelé avec force que cette question ne saurait être éludée. À l’occasion du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, le président algérien Tebboune a tenu un discours fort, adressé autant à son peuple qu’à ceux qui, en France, comme Bruno Retailleau, souhaitent voir ce chapitre douloureux être définitivement refermé. Sans nommer directement le ministre français de l’Intérieur, Tebboune a formulé un message sans ambiguïté : « L’Algérie ne saurait en aucun cas accepter à ce que le dossier de la mémoire soit relégué à l’oubli et au déni ».

Ce 8 mai, date symbolique en France comme en Algérie, est l’occasion pour Tebboune de réaffirmer la position ferme de l’État algérien face aux tentatives répétées de minimisation du passé colonial. « L’Algérie souveraine, fière et victorieuse, construit le socle de son présent, aspire et œuvre avec résolution à davantage de développement durable », a déclaré Tebboune, soulignant que ce développement ne saurait s’opérer au prix de l’effacement de l’histoire. Une phrase qui sonne comme une réponse directe à Retailleau, qui a publiquement exprimé à plusieurs reprises la nécessité de « clore le dossier de la mémoire » pour permettre une coopération apaisée.

Mais pour Tebboune, les crimes commis lors de la colonisation ne peuvent être balayés d’un revers de main. « Mue par son attachement au droit de son peuple et en reconnaissance de la sacralité de l’héritage de la résistance et de la lutte, par fidélité à l’esprit de Novembre et au message éternel des martyrs, l’Algérie ne saurait en aucun cas accepter que ce dossier soit relégué à l’oubli et au déni », a-t-il répété, dans une insistance qui résonne comme une mise en garde.

Le président algérien n’a pas seulement rappelé les principes. Il a aussi évoqué les événements tragiques qui ont marqué le 8 mai 1945, des massacres perpétrés à Sétif, Guelma, Kherrata et dans d’autres villes, au cours desquels plus de 45.000 Algériens ont trouvé la mort. « Les manifestations du 8 mai sont l’expression la plus sincère de l’attachement du peuple algérien à la liberté, à la dignité et à la fierté », a déclaré Tebboune, rappelant que « l’humanité a été témoin des pires exactions qu’a commises le colonialisme français pendant plus d’un siècle ».

S’adressant à ceux qui, comme Retailleau, multiplient les appels à tourner la page, Tebboune insiste : « Ce moment émouvant, qui rappelle à la mémoire l’anniversaire du martyre de dizaines de milliers parmi les enfants les plus chers de la patrie, atteste de l’attachement profond du peuple algérien à la glorification de son histoire, de sa nation et de sa liberté ». Le mot est clair : la mémoire n’est pas un poids du passé, elle est un fondement de l’avenir.

Tebboune va même plus loin en liant cette fidélité à l’histoire à un projet national en plein essor. « Le peuple algérien qui a su jadis transformer souffrances et sacrifices en gloires, ne verra pas son élan freiné par la rudesse des défis. Bien au contraire, il redoublera de résolution face à ceux qui s’acharnent contre nos principes et l’indépendance de notre décision nationale », a-t-il affirmé, dénonçant implicitement toutes les formes de pression politique ou diplomatique extérieures.

Dans un style solennel, le chef de l’État a conclu par une vision projetée sur l’avenir : « Nous poursuivons notre marche vers de grandes réalisations en matière d’infrastructures, en concrétisant une stratégie visant à inscrire notre économie sur une nouvelle trajectoire d’investissement judicieux. Nous œuvrons à promouvoir les niveaux de bien-être du peuple algérien, tout en restant fidèles à l’esprit de ceux qui ont donné leur vie pour que l’Algérie soit libre ».

Le message est clair : malgré les appels récurrents de Retailleau à enterrer le passé, Tebboune ne cèdera pas sur l’exigence de reconnaissance. La mémoire, loin d’être un obstacle, reste pour l’Algérie un socle non négociable, un rempart contre l’oubli, et une boussole pour les générations futures.