La scène artistique algérienne vient de perdre l’une de ses figures les plus emblématiques. Ce mardi matin, la nouvelle du décès de Baya Bouzar, connue du grand public sous le nom de Biyouna, a plongé le monde du spectacle dans une profonde tristesse. À 73 ans, cette actrice à la personnalité unique, au tempérament incandescent et au talent reconnu bien au-delà des frontières algériennes, a succombé à un cancer du poumon qui l’affaiblissait depuis plusieurs mois. Hospitalisée à Beni Messous, à Alger, elle avait vu son état se détériorer récemment en raison d’un manque d’oxygénation cérébrale, selon les médecins qui la suivaient.
Née le 13 septembre 1952 à Belouizdad, au cœur d’Alger, Biyouna avait le théâtre dans le sang. Son vrai nom, Baïa Bouzar, ne disait rien au grand public au début. C’est son surnom familial, « Biyouna », qui deviendra sa signature artistique et l’accompagnera tout au long d’une carrière exceptionnelle. Très jeune, elle se fait remarquer par son tempérament vif, son aisance scénique et une capacité rare à captiver l’attention. Sa famille, consciente de cette énergie créative, l’encourage à monter sur scène. À partir de là, un destin se dessine : celui d’une femme qui allait marquer durablement la culture algérienne.
Biyouna, c’était une voix, un rire, un regard perçant, une manière de jouer qui portait en elle l’héritage populaire d’Alger et l’exigence du théâtre classique. Elle pouvait passer d’un rôle dramatique à une scène comique sans jamais perdre son authenticité. Ce talent, elle l’a cultivé dans des productions théâtrales algéroises, avant d’élargir son horizon vers la télévision et le cinéma. Rapidement, le public s’attache à cette actrice capable de provoquer l’émotion autant que l’éclat de rire.
Elle gagnait une renommée nationale incontestable, notamment grâce à la série culte « Nass Mlah City », diffusée entre 2002 et 2005. Dans cette production qui a marqué toute une génération, Biyouna incarnait des personnages hauts en couleur, mêlant son sens inné de la dérision à une finesse d’interprétation rare. Pour beaucoup d’Algériens, elle était devenue un visage familier, une présence chaleureuse, presque familiale, dont on guettait les apparitions à l’écran.
Mais l’actrice ne s’est pas limitée à l’Algérie. Son parcours l’a menée également vers les scènes et productions européennes, où son talent a été salué. Plusieurs réalisateurs étrangers ont vu en elle une artiste complète, capable d’endosser des rôles intenses, d’apporter une profondeur émotionnelle et d’incarner des personnages complexes. Cette reconnaissance internationale n’a jamais altéré sa spontanéité ni son attachement à ses racines. Biyouna restait fidèle à son identité algéroise, à son humour piquant et à cette façon bien à elle de raconter des histoires.
Son décès laisse derrière elle un vide immense. Pour les artistes qui l’ont côtoyée, elle représentait une école à elle seule, un modèle de générosité, de travail et de liberté artistique. Pour le public, elle restera un symbole de la culture populaire, une femme qui a su parler aux cœurs, toucher les foyers, accompagner les soirées familiales à travers la télévision.
Aujourd’hui, les hommages affluent. Acteurs, réalisateurs, scénaristes et anonymes saluent une carrière exceptionnelle et une personnalité qui ne laissait personne indifférent. La disparition de Biyouna marque la fin d’une époque pour le cinéma et la télévision algérienne, mais son héritage continuera de briller à travers ses œuvres, ses répliques mémorables et l’empreinte profonde qu’elle laisse sur la scène artistique.
Elle s’en va après une vie riche, dédiée au spectacle, mais son nom restera gravé dans la mémoire collective. Biyouna n’était pas seulement une actrice : elle était une icône, une force, un éclat qui ne s’éteindra pas.