L’Algérie est en deuil. Le 23 mai, Mohamed Lakhdar Hamina, figure monumentale du cinéma algérien, s’est éteint à l’âge de 95 ans à son domicile d’Alger, entouré de ses proches. Mohamed Lakhdar Hamina, dont le nom résonne comme un pilier du septième art maghrébin, laisse derrière lui un héritage cinématographique unique, forgé dans la lutte, la mémoire et la transmission. Mohamed Lakhdar Hamina, ce cinéaste autodidacte devenu légende, était le seul réalisateur arabe et africain à avoir remporté la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes, consacrant ainsi son œuvre Chronique des années de braise en 1975.
Né le 26 février 1934 à M’sila, dans les montagnes de l’Aurès, Mohamed Lakhdar Hamina a grandi au sein d’une famille modeste. Fils de paysans des hauts plateaux, rien ne prédestinait ce jeune homme à une carrière dans le cinéma. Et pourtant, son nom deviendrait synonyme de l’éveil d’un peuple et de l’émancipation de toute une nation. Avant de devenir réalisateur, Mohamed Lakhdar Hamina avait d’abord suivi des études agricoles, puis un passage en France, à Antibes, où il fit la rencontre de celle qui deviendrait la mère de ses quatre fils. Ce parcours, semé de douleurs personnelles et de sacrifices, fut profondément marqué par la guerre d’indépendance. En 1958, alors que l’Algérie était encore en lutte contre la colonisation française, il rejoignit la résistance à Tunis après que son père fut enlevé, torturé, et assassiné par l’armée coloniale. C’est là, dans le tumulte de la guerre, que Mohamed Lakhdar Hamina fit ses premières armes dans le cinéma, en intégrant les actualités tunisiennes et en réalisant ses premiers courts-métrages.
Mais c’est en 1967 que la reconnaissance internationale commence à frapper à sa porte. Avec Le Vent des Aurès, un film profondément ancré dans la douleur de la guerre, il reçoit le prix de la première œuvre au Festival de Cannes. Une première distinction qui fera date, d’autant plus que peu de réalisateurs africains ou arabes avaient eu cette opportunité jusque-là. Huit ans plus tard, Chronique des années de braise viendra bouleverser le monde du cinéma. Ce long-métrage, structuré en six tableaux retraçant la montée du peuple algérien vers l’indépendance entre 1939 et 1954, reste à ce jour un chef-d’œuvre incontesté. Ce n’est pas simplement un film, mais un cri, une mémoire vivante, une fresque historique portée par la souffrance, l’espoir et la fierté. Ce projet magistral vaudra à Mohamed Lakhdar Hamina la Palme d’Or, et par la même occasion, une place unique dans l’histoire du Festival de Cannes.
Au fil de sa carrière, Mohamed Lakhdar Hamina aura concouru à Cannes à quatre reprises, un exploit rare pour un cinéaste de cette région du monde. Ce n’est donc pas un hasard si en hommage à son parcours, Chronique des années de braise a été projeté en version restaurée 4K dans la section Cannes Classics. Un dernier hommage rendu de son vivant, qui résonne aujourd’hui comme un adieu en images.
L’œuvre de Mohamed Lakhdar Hamina, tout comme son parcours, incarne à la fois la résilience et la grandeur. Ce n’était pas seulement un réalisateur. Il était un témoin de l’histoire, un passeur de mémoire, un architecte de récits profondément humains et politiques. L’Algérie pleure Mohamed Lakhdar Hamina, non seulement parce qu’il a porté son drapeau sur les marches du plus grand festival de cinéma au monde, mais aussi parce qu’il a raconté l’Algérie comme peu ont su le faire.
Aujourd’hui, en Algérie et bien au-delà, les projecteurs s’éteignent pour rendre hommage à une légende. Mohamed Lakhdar Hamina laisse un vide immense, mais aussi une œuvre qui continuera à faire rayonner la culture algérienne, à éveiller les consciences, et à rappeler que l’art peut être une forme de résistance, un acte de mémoire et un outil de libération. Le monde du cinéma perd un pionnier. L’Algérie, elle, perd un monument.