L’Algérie, un pays historiquement confronté à des défis hydriques, pourrait bientôt inverser la tendance et devenir exportatrice d’eau. C’est ce qu’affirme l’expert en sécurité hydrique Karim Hacene dans un entretien accordé à Echourouk. Selon lui, la stratégie de dessalement de l’eau de mer, récemment accélérée par le gouvernement, pourrait non seulement assurer l’autosuffisance en eau potable, mais également générer un surplus exploitable pour l’exportation. Une transformation qui pourrait bouleverser l’équilibre régional et redéfinir le rôle de l’Algérie dans le domaine de la gestion des ressources hydriques.
Avec une consommation moyenne de moins de 600 mètres cubes par habitant et par an, bien en dessous du seuil de 1 000 mètres cubes défini par la Banque mondiale pour considérer un pays comme en stress hydrique, l’Algérie a mis en place un plan ambitieux pour remédier à cette situation. Cinq nouvelles stations de dessalement de l’eau de mer ont récemment été inaugurées dans des villes stratégiques telles que Boumerdès, Tipaza, Oran, El Tarf et Béjaïa. Ces infrastructures, dont le coût s’élève à environ 2,4 milliards de dollars, permettront de produire un total de 1,5 million de mètres cubes d’eau potable par jour, un chiffre qui devrait encore augmenter avec la mise en service de sept nouvelles stations d’ici 2030.
Le dessalement est une solution stratégique, mais il a un coût. Actuellement, produire un mètre cube d’eau dessalée coûte entre 5 et 10 dollars, un prix nettement supérieur à celui de l’eau provenant des barrages, qui ne dépasse pas un dollar par mètre cube. Toutefois, ces investissements restent nécessaires pour garantir l’approvisionnement en eau potable de la population algérienne, particulièrement face aux périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes.
L’augmentation de la capacité de production en eau dessalée suscite aussi une question clé : l’Algérie peut-elle devenir un acteur majeur de l’exportation d’eau vers les pays voisins ? Selon Karim Hacene, la réponse est affirmative. Si l’Algérie poursuit son projet ambitieux de dessalement d’eaux souterraines dans le Sahara, cela pourrait générer un volume d’eau dessalée excédentaire suffisant pour envisager une exportation vers des pays voisins confrontés à un stress hydrique encore plus aigu, comme la Tunisie, la Libye ou certaines régions du Sahel. Une telle initiative placerait l’Algérie en position de force dans le domaine de la sécurité hydrique régionale.
En parallèle, la disponibilité accrue en eau pourrait également jouer un rôle décisif dans le développement d’autres secteurs économiques, notamment l’agriculture et l’industrie. Toutefois, l’expert met en garde : avant de penser à alimenter ces secteurs en eau dessalée, l’Algérie doit d’abord investir massivement dans la réutilisation des eaux usées traitées. Construire des stations d’épuration dans chaque commune permettrait de rediriger ces eaux traitées vers les exploitations agricoles et les usines, évitant ainsi de puiser dans les réserves d’eau potable.
L’impact économique du dessalement dépendra également des sources d’énergie utilisées. Aujourd’hui, les usines de dessalement consomment une grande quantité d’énergie, ce qui représente un défi financier et environnemental. Pour rendre ces projets viables à long terme, l’Algérie doit miser sur les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert et le solaire. De plus, les sous-produits du dessalement, comme les sels minéraux extraits de l’eau de mer, pourraient être exploités pour réduire les coûts opérationnels et même générer des revenus supplémentaires.
Cependant, tout dépendra de la mise en œuvre efficace des projets en cours et de la capacité du pays à moderniser ses infrastructures hydriques. Sans une gestion efficace et un cadre réglementaire solide, le dessalement pourrait se transformer en un fardeau financier plutôt qu’en une opportunité économique.
L’Algérie se trouve ainsi à un tournant décisif. Si elle réussit à optimiser sa production et sa gestion des ressources en eau, elle pourrait non seulement atteindre l’autosuffisance, mais aussi devenir un fournisseur clé dans la région. Cette transition nécessitera des investissements, une planification rigoureuse et une volonté politique forte. L’avenir de l’eau en Algérie ne se limite plus à un enjeu de survie, mais devient une question de souveraineté et de leadership économique sur le continent africain.
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