L’Algérie, l’un des plus grands importateurs mondiaux de blé, semble avoir pris un tournant décisif concernant ses relations commerciales avec la France. Depuis plusieurs mois, les exportations de blé français vers l’Algérie ont subi une baisse notable, une tendance qui inquiète les acteurs du secteur. Selon les récentes informations de FranceAgriMer, l’organisme public français chargé de superviser les échanges agricoles, la France a perdu sa position de fournisseur privilégié sur le marché algérien, un marché traditionnellement très important pour ses producteurs. L’absence quasi totale de commandes algériennes depuis l’automne dernier est un signal clair que l’Algérie a tourné la page du blé français.
Cette situation n’est pas simplement une question de fluctuations économiques, mais également de facteurs politiques et géopolitiques qui influencent directement les décisions commerciales. Benoît Piétrement, président du Conseil spécialisé des marchés céréaliers à FranceAgriMer, explique cette dynamique par une combinaison de facteurs. D’un côté, les relations diplomatiques tendues entre la France et l’Algérie ont sans doute joué un rôle déterminant dans ce changement de stratégie. Mais au-delà de l’aspect politique, la concurrence de producteurs d’autres régions, notamment de la mer Noire, a permis à l’Algérie de diversifier ses sources d’approvisionnement.
Depuis octobre 2024, les exportations de blé français vers l’Algérie ont diminué de manière drastique. Alors que la France envoyait habituellement plus de 1,5 million de tonnes de blé chaque année vers l’Algérie, cette fois-ci, un seul bateau a quitté les ports français pour livrer seulement 31 000 tonnes. Les experts du secteur pointent une dégradation de la qualité du blé français au début de la campagne 2024. Ce problème de qualité a poussé les autorités algériennes à reconsidérer leurs options, se tournant rapidement vers d’autres fournisseurs, principalement ceux des pays de la mer Noire, comme l’Ukraine, la Russie ou le Kazakhstan, qui ont su répondre à leurs exigences en termes de qualité et de prix.
Le courtier en céréales Damien Vercambre souligne que la France aurait dû agir plus rapidement pour améliorer la qualité de son blé et maintenir un dialogue constant avec l’Algérie pour éviter cette rupture. Selon lui, un travail de collaboration plus étroit aurait permis de résoudre les problèmes de qualité rencontrés au début de la campagne. Mais l’opportunité a été manquée, et l’Algérie a, par la force des choses, été contrainte de tourner son regard ailleurs. Ce phénomène est perçu comme une perte stratégique importante pour la France, car l’Algérie représente traditionnellement un marché clé pour le blé français. La réputation de la France en tant que fournisseur de blé pourrait en souffrir, à moins que des mesures correctives ne soient prises dans les mois à venir.
En parallèle, il est important de noter que la situation n’a pas engendré de rupture totale des échanges commerciaux entre les deux pays. En 2024, les exportations françaises vers l’Algérie ont même augmenté de 8 %, malgré la baisse des ventes de céréales. En revanche, les importations algériennes de gaz naturel liquéfié en provenance de France ont enregistré une nette augmentation. Ce paradoxe montre que, malgré des tensions sur certains produits, les relations économiques entre les deux pays continuent d’être fortes, en particulier dans les secteurs énergétiques. Le professeur Dhafer Saidane, spécialiste en commerce international, met toutefois en garde contre des conclusions hâtives. Selon lui, il est trop tôt pour évaluer l’impact à long terme de la situation, car le commerce entre la France et l’Algérie connaît de nombreuses fluctuations d’une année sur l’autre.
Les répercussions de cette baisse des exportations de blé ne se limitent pas à l’aspect commercial. La situation pourrait avoir des conséquences profondes sur l’économie des régions céréalières françaises, qui dépendent fortement des ventes à l’export. Si cette tendance se confirme, cela pourrait inciter les producteurs français à chercher de nouveaux marchés ou à se concentrer sur l’amélioration de la qualité de leur production pour répondre aux attentes des autres pays importateurs. L’Algérie, quant à elle, semble avoir trouvé un nouvel équilibre en diversifiant ses sources d’approvisionnement, ce qui la rend moins dépendante de la France.
Ce changement dans les échanges agricoles entre la France et l’Algérie pourrait marquer le début d’une nouvelle phase dans les relations commerciales bilatérales. Alors que la France cherche à préserver sa place sur le marché algérien, l’Algérie semble jouer sa carte de la diversification avec une certaine prudence. En somme, il s’agit d’une situation complexe, à suivre de près, car elle pourrait influencer durablement les relations économiques entre les deux pays.
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