Une simple phrase a suffi à enflammer les réseaux sociaux et à rallumer les braises d’un vieux débat identitaire entre l’Algérie et le Maroc. Invitée au Festival national du couscous organisé à Alger, la cheffe algérienne Sherazade Laoudedj, installée en France, a lâché une déclaration qui n’a laissé personne indifférent : « Le couscous est Algérien, et secondairement Maghrébin peut-être par géographie, mais il est d’abord et profondément algérien dans son origine, sa diversité, son âme. Il est beau car ayant des centaines de formes suivant les différentes régions du pays, et bon aussi. Chaque recette est un poème. » Une affirmation assumée, renforcée par une formule poétique et symbolique : « Le couscous algérien est une prière silencieuse. »
En quelques heures, ces propos ont provoqué un tollé de l’autre côté de la frontière. Des internautes marocains ont vivement critiqué la cheffe, accusant l’Algérie d’appropriation culturelle, alors que l’intention initiale était simplement de célébrer une richesse nationale. Ce n’est pas la première fois qu’un débat houleux surgit autour de l’origine du couscous, un plat emblématique du Maghreb, mais la charge émotionnelle qu’ont véhiculée les mots de Sherazade Laoudedj semble avoir touché une corde particulièrement sensible.
Ce contexte polémique a coïncidé avec un événement majeur : le Festival national du couscous algérien, qui s’est tenu du 11 au 12 avril à l’hôtel El-Aurassi d’Alger. Cette initiative a été lancée par un groupe de professionnels issus des secteurs de l’artisanat, du tourisme, de la restauration et de l’événementiel. Placé sous le patronage du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, le festival a eu pour ambition de valoriser le riche patrimoine culinaire de l’Algérie, notamment à travers ce plat ancestral.
Durant ces deux jours, les visiteurs ont découvert une panoplie de recettes régionales, allant du couscous au poisson des villes côtières, au couscous aux herbes du Haut-Plateau, en passant par les versions sucrées du Sud. Le coordinateur du festival, Idir Saoudi, a affirmé que cette première édition visait à « mettre en valeur le riche et précieux patrimoine culinaire ancestral ». Les concours ont rassemblé des cuisiniers amateurs, des professionnels des hôtels et restaurants, ainsi que des étudiants issus d’écoles spécialisées. Le jury, présidé par Amine Ould Ali, a réuni des figures reconnues comme Sherazade Laoudedj elle-même, Slimane Sadoune, Lyes Didaoui, et Nacira Facih.
Parallèlement aux démonstrations culinaires, plusieurs conférences ont été organisées. Sidali Lahlou, organisateur d’une autre fête dédiée au couscous à Frikat, a abordé la symbolique sociale du couscous dans la société algérienne. Seddiki Abderrahmane, enseignant-chercheur à l’université de Tizi Ouzou, a exploré les liens entre alimentation traditionnelle et développement économique. Yasmina Sellam, agronome, a mis en lumière les qualités nutritionnelles du couscous, insistant sur ses origines bio et sa durabilité.
M. Hocine Khelifa, membre du comité d’organisation, a souligné que cette manifestation visait aussi à « mettre en exergue un patrimoine noble symbole de notre culture algérienne ». Selon lui, le couscous algérien n’est pas seulement un plat, mais un élément structurant de l’identité nationale. Il représente un savoir-faire transmis de génération en génération, un pilier de la convivialité et de la mémoire collective.
Les débats sur l’origine du couscous ne sont pas nouveaux, mais ils prennent un relief particulier dans un contexte où les pays du Maghreb cherchent à défendre leurs héritages respectifs sur la scène internationale. Si l’UNESCO a classé le couscous au patrimoine immatériel de l’humanité en tant que bien partagé par plusieurs pays d’Afrique du Nord, chaque nation revendique fièrement sa propre version du plat.
En Algérie, cette revendication prend une dimension encore plus profonde, liée à la diversité de ses terroirs et à la richesse de ses traditions culinaires. « Le couscous est un plat particulier de par son originalité algérienne, sa qualité bio, bon pour la santé et l’apport de sa confection pour l’emploi et pour la richesse économique de notre pays », a affirmé M. Khelifa.
La polémique qui a suivi les propos de Sherazade Laoudedj illustre à quel point le patrimoine culinaire peut être un sujet de fierté mais aussi de tension. Cependant, au-delà des querelles, ce qui a été célébré lors de ce festival, c’est bien l’amour d’un plat millénaire, profondément enraciné dans l’histoire d’un peuple. Un plat qui unit plus qu’il ne divise, lorsque l’on choisit de le savourer sans arrière-pensée.
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