Le Français désormais supprimé du journal officiel en Algérie ? 

Journal officiel Algérie

Un projet de loi ambitieux déposé par un groupe de 39 députés algériens pourrait transformer durablement le paysage linguistique et juridique du pays. Ce texte, présenté récemment au Parlement, propose la suppression définitive de la version française du Journal Officiel pour en limiter la publication exclusivement à la langue arabe. Cette initiative, profondément ancrée dans une logique de valorisation de l’identité nationale, est perçue par ses promoteurs comme une étape cruciale dans la décolonisation culturelle de l’Algérie.

D’après l’exposé des motifs qui accompagne le projet, les députés souhaitent « protéger les constantes nationales » et répondre à ce qu’ils qualifient de tentatives d’« effacement de l’identité nationale ». L’héritage colonial, symbolisé notamment par l’omniprésence du français dans les institutions publiques, est ici directement remis en cause. Pour les partisans de ce texte, continuer à publier des lois et règlements dans une langue étrangère, près de 60 ans après l’indépendance du pays, est une contradiction inacceptable.

L’un des arguments phares mis en avant est le coût financier élevé associé à la traduction systématique des textes législatifs et réglementaires en français. Selon les initiateurs du projet, cela représenterait un « gaspillage des deniers publics » au profit d’une pratique jugée obsolète. Le texte, composé de 23 articles, stipule clairement que la publication des lois devra se faire uniquement en arabe. Les contrevenants à cette règle pourraient même être soumis à des poursuites judiciaires, renforçant ainsi la portée dissuasive de la mesure.

Le projet va plus loin en proposant des dispositions spécifiques pour les accords et traités internationaux. Bien que ces textes puissent être accompagnés de traductions en anglais ou dans la langue du pays d’origine, la version en arabe resterait juridiquement contraignante et ferait foi dans le cadre des litiges ou interprétations juridiques. Cette volonté d’accorder un statut exclusif à la langue arabe s’inscrit dans un effort plus large de promotion de l’arabe et de l’anglais au sein des institutions algériennes. Depuis quelques années, plusieurs mesures similaires ont été prises pour réduire l’usage du français dans les correspondances officielles et les échanges administratifs.

Cette proposition législative fait écho à un long débat autour de la place du français en Algérie. Dès 1991, sous la présidence de Chadli Bendjedid, une loi sur la généralisation de l’utilisation de la langue arabe avait été adoptée, symbolisant la volonté de l’État de réaffirmer son identité linguistique. Cependant, cette loi a connu un parcours tumultueux, avec des suspensions et réactivations successives au fil des changements politiques. Mohamed Boudiaf avait gelé la loi en 1992, tandis que Liamine Zéroual l’avait brièvement relancée en 1996. Abdelaziz Bouteflika, pour sa part, avait choisi de la mettre à nouveau en veille. Ce nouveau projet de loi s’inscrit donc dans une continuité historique, mais avec une ambition nettement renforcée.

Les députés qui soutiennent cette initiative ne se limitent pas à une simple réforme linguistique. Ils mettent également en avant l’importance de la modernisation de l’État à travers la numérisation des processus administratifs. Le projet de loi propose ainsi de renforcer la publication numérique du Journal Officiel. Cet effort vise à garantir un accès équitable et rapide aux textes juridiques, tout en instaurant une transparence accrue. Cette numérisation est perçue comme un moyen de consolider la souveraineté juridique et d’assurer une transition fluide vers un modèle de gouvernance moderne et efficace.

L’adoption de ce projet de loi, si elle a lieu, pourrait avoir des répercussions importantes. Elle constituerait une étape majeure dans la réaffirmation de l’identité nationale algérienne, tout en posant de nouvelles bases pour l’usage institutionnel des langues. Ce changement pourrait également influencer les relations internationales du pays, notamment dans la gestion des accords bilatéraux et multilatéraux où la langue française jouait historiquement un rôle prépondérant.

Quoi qu’il en soit, ce projet relatif au journal officiel algérien reflète une volonté affirmée de rupture avec le passé colonial et d’affirmation d’une souveraineté linguistique. Il pourrait marquer un tournant dans l’histoire contemporaine de l’Algérie, non seulement en réformant les pratiques administratives, mais aussi en redéfinissant les bases culturelles et identitaires du pays. La décision finale du Parlement sera donc scrutée avec attention, tant par les acteurs nationaux qu’internationaux.

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