Un nouveau chapitre dans les relations déjà tendues entre les Émirats et l’Algérie s’écrit avec une série de gestes qui ne laissent plus de place au doute. Début mai, la parole a été donnée au professeur d’histoire Mohamed Amine Belghit sur la chaîne émiratie Skynews, où il a affirmé que l’Amazighité serait « la création des services sionistes et français ». Cette déclaration, relayée par les Émirats, a déclenché une tempête diplomatique. Le ministère algérien des Affaires étrangères a vigoureusement condamné cette position, accusant les Émirats de laisser diffuser des propos qui portent atteinte à l’identité même de l’Algérie. L’intéressé a rapidement été arrêté et placé sous mandat de dépôt, tandis que le gouvernement algérien dénonçait avec force la responsabilité des Émirats dans ce dérapage, accusant les Émirats d’alimenter des hostilités délibérées contre l’Algérie.
Mais cette polémique ne représente qu’une facette des tensions croissantes entre les Émirats et l’Algérie. Une délégation émiratie de haut rang a mené récemment une série de visites au Mali et au Niger, deux pays clés du Sahel, dans un contexte géopolitique déjà marqué par des rivalités fortes entre l’Algérie et ces pays. Cette offensive diplomatique émiratie vise clairement à exploiter le refroidissement des relations entre l’Algérie et les États du Sahel. Le président de l’autorité de transition malienne, le colonel Assimi Goïta, a reçu la délégation conduite par Cheikh Bout bin Nahyan Al Nahyan, ministre d’État aux Affaires étrangères des Émirats, afin de « renforcer la coopération bilatérale » et d’« élargir le partenariat dans les domaines de la sécurité, du développement économique et industriel ». Ce déplacement s’inscrit dans une volonté manifeste des Émirats de s’imposer comme un acteur incontournable dans la région, en particulier face à l’Algérie qui voit cette manœuvre comme une tentative claire de contourner son influence traditionnelle dans le Sahel.
La délégation émiratie, après Bamako, s’est rendue au Niger où elle a été accueillie par le général Abdourahmane Tiani. Là encore, la coopération annoncée dans le domaine sécuritaire implique un soutien tacite aux politiques controversées des autorités militaires de transition, notamment dans la répression de la classe politique locale et dans la guerre contre les Touaregs dans le nord du Mali, un point sensible que l’Algérie suit de près. Cette orientation, soulignent plusieurs observateurs, survient dans un contexte particulièrement instable où les équilibres militaires et politiques sont en pleine recomposition, avec l’entrée en scène de nouvelles puissances internationales dans les conflits qui ravagent le Sahel, ainsi que le nord du Mali et la Libye.
La visite émiratie revêt un poids politique considérable, reflétant l’exploitation par les Émirats de la posture hostile des autorités maliennes à l’égard de l’Algérie. Même si les Émirats ne sont pas à l’origine directe de cette hostilité, ils s’inscrivent dans un jeu d’alliances complexes où le régime marocain joue un rôle non négligeable. Par des initiatives ou des promesses, le Maroc agit pour ouvrir aux pays du Sahel un accès stratégique à l’océan Atlantique, un projet qui complique davantage les rapports entre l’Algérie et les États sahéliens. Dans ce contexte, la démarche émiratie apparaît aussi comme une tentative d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali, un pays en pleine crise politique et constitutionnelle. Cette ingérence vise à influencer un processus de transition instable, dont la durée dépasse largement ce qui avait été initialement convenu.
Il faut rappeler que les Émirats, qui ont normalisé leurs relations avec l’entité sioniste, s’impliquent fréquemment dans des conflits et tensions à travers le monde arabe. Leur engagement ne passe pas par des initiatives de paix ou des médiations, mais plutôt par le soutien à des factions opposées et la promotion des divisions dans des États fragiles. Que ce soit au Soudan, en Libye, ou au Yémen, la stratégie des Émirats est de souffler sur les braises des conflits, ce qui, de fait, ajoute une nouvelle couche de complexité aux relations entre les Émirats et l’Algérie, où la méfiance et les tensions ne cessent de s’aggraver.