Les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle escalade qui suscite de nombreuses inquiétudes, notamment pour les Français vivant en Algérie ainsi que pour les entreprises qui y opèrent. Si aucun décret officiel ne cible encore directement les intérêts économiques français, la montée en puissance des différends politiques pourrait bien avoir des répercussions sur le commerce bilatéral et, plus largement, sur la présence française en Algérie.
Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) France-Algérie, alerte sur les conséquences potentielles de cette crise, dans un entretien accordé à La Dépêche. « Jusqu’à maintenant, j’ai souvent répété que rien n’avait bougé en Algérie. Mais ce qui m’inquiète, c’est cette escalade permanente. À terme, elle va forcément poser de gros problèmes », explique-t-il. Actuellement, près de 6000 entreprises françaises travaillent avec l’Algérie et environ 400 sont implantées sur le sol algérien. Pour ces dernières, l’incertitude grandit face à un climat politique de plus en plus tendu.
L’Algérie représente un marché important pour la France, avec 4,8 milliards d’euros d’exportations françaises en 2024, soit une hausse de 6,6 % par rapport à l’année précédente. Le pays est un client de premier plan pour de nombreux secteurs, et une rupture brutale de ces échanges pourrait s’avérer problématique. « Si on venait à perdre ce marché, combien de temps va-t-il nous falloir pour retrouver des clients capables de compenser ? », interroge Bisac.
Les répercussions éventuelles ne concernent pas seulement les grandes entreprises, mais aussi de nombreuses PME qui dépendent directement de leurs échanges avec l’Algérie. Un blocage administratif ou une décision soudaine des autorités algériennes pourrait mettre en péril plusieurs acteurs économiques français. « Si vous avez une commande à l’export de 200 000 – 300 000 euros qui est bloquée en douane, il y a un impact immédiat pour ces entreprises », ajoute Bisac.
Du côté des importations, la balance est plus favorable à l’Algérie, avec 6,3 milliards d’euros d’exportations vers la France en 2023. Ces chiffres sont largement dominés par les hydrocarbures, avec 2,7 milliards d’euros de pétrole brut et 2,4 milliards d’euros de gaz non liquéfié. Toutefois, selon Bisac, « le vrai sujet, ce n’est pas ce que nous achetons à l’Algérie mais ce que nous lui vendons ». Les contrats en cours avec des groupes comme Total ou Engie semblent, pour le moment, épargnés par les tensions politiques.
Mais au-delà des chiffres, c’est l’impact humain de cette crise qui inquiète. De nombreux Français vivent en Algérie, parfois depuis plusieurs décennies, et entretiennent des liens familiaux et professionnels profonds avec le pays. Une détérioration prolongée des relations pourrait rendre leur quotidien plus difficile, en fragilisant leur statut et en compliquant leurs interactions avec les autorités locales.
Michel Bisac s’inquiète également du discours politique en France, où l’Algérie semble être devenue un sujet de crispation récurrent. « Pour des visées qui relèvent, à mon avis, de la politique politicienne, on ne parle que d’OQTF ou de délinquance algérienne, et on en arrive à des choses qui sont quand même assez délirantes », regrette-t-il. Selon lui, cette rhétorique risque d’alimenter des tensions inutiles et de nuire aux intérêts français à l’étranger.
Malgré ce climat incertain, la vie quotidienne des Français en Algérie ne semble pas encore directement affectée. « En Algérie, je tiens à le dire, dans la vie du quotidien, on ne ressent aucune agressivité à l’égard des Français », assure Bisac. Néanmoins, l’inquiétude demeure quant à l’avenir des relations entre les deux pays, alors que la politique française s’oriente vers des positions plus dures et que l’Algérie pourrait décider de réagir de manière plus ferme.
Si la situation continue à se détériorer, la France pourrait perdre un partenaire commercial stratégique et des milliers d’entreprises françaises pourraient se retrouver en difficulté. Les Français installés en Algérie, quant à eux, risquent de se retrouver dans une situation délicate, pris entre les tensions politiques et leur attachement à un pays où ils ont construit leur vie.
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