Marché noir des devises : « on ne sait plus à quel saint se vouer »

marché noir

Récemment, un bouleversement significatif s’est produit sur le marché noir des devises en Algérie. Alors que l’euro atteignait un taux de change record de 1 euro pour 265 dinars algériens il y a quelques semaines, sa valeur a fortement chuté face au dinar, pour s’échanger autour de 248 dinars à l’achat et 252 dinars à la vente au célèbre marché parallèle du Square Port-Saïd à Alger. Cette baisse brutale est intervenue suite à une annonce importante du gouvernement algérien concernant l’allocation touristique annuelle.

La principale mesure à l’origine de ce changement est la hausse de l’allocation touristique, qui est passée d’environ 100 euros à 750 euros par voyageur algérien, accordée une fois par an. Cette décision, saluée par une partie de la population comme un effort pour soutenir les voyageurs, a également engendré des effets secondaires notables, notamment sur le marché noir des devises.

Face à cette annonce, les cambistes du Square Port-Saïd ont fait état d’une « panique » généralisée parmi les détenteurs de devises étrangères. « C’est la folie », ont confié certains d’entre eux à DNAlgérie. « On ne sait plus à quel saint se vouer, car on ne sait pas de quoi sera fait demain. », ajoutent-ils.

« Craignant une dévaluation imminente ou un changement monétaire en Algérie, de nombreux détenteurs d’euros ont choisi de vendre leurs devises, entraînant une surabondance de l’offre et une chute des cours », telle est l’explication donnée par un économiste, qu’on a pu interroger.

Une offensive contre le marché parallèle ?

Pour les autorités algériennes, l’augmentation de l’allocation touristique pourrait être perçue comme une tentative de contrer le marché parallèle des devises, un problème persistant en Algérie. Ce marché informel, qui domine les transactions en devises, est souvent alimenté par des pratiques telles que le blanchiment d’argent ou les activités commerciales non déclarées.

Selon un économiste interrogé par El Watan, « cette mesure est une offensive contre les transactions parallèles et le commerce illégal, mais elle reste à évaluer sur le long terme ». La mise en œuvre pratique de cette décision sera déterminante pour juger de son efficacité. Toutefois, des défis subsistent, notamment le risque de spéculation, où certains individus pourraient profiter des taux officiels pour acquérir des devises et les revendre à un prix plus élevé sur le marché noir.

Les défis pour les banques et l’économie réelle

La hausse de l’allocation touristique pose également des défis pour les banques algériennes. En raison de l’augmentation de la demande en devises, les établissements financiers risquent de faire face à une « ruée bancaire » de la part des clients souhaitant bénéficier de cette nouvelle mesure. Cela pourrait entraîner une indisponibilité des fonds, voire une crise de liquidité si les réserves en devises s’avèrent insuffisantes.

Par ailleurs, cette situation soulève des questions sur la manière dont les ménages algériens peuvent accéder à ces devises. Avec une dépréciation continue du dinar sur le marché officiel, la quantité de monnaie nationale nécessaire pour obtenir 750 euros augmente considérablement. Cela alourdit la charge financière des familles souhaitant voyager, tout en exacerbant les déséquilibres économiques structurels.

« Dès lors que le besoin en devise s’accroît, les banques risquent de tomber dans le piège de l’indisponibilité de fonds, ou ce qu’on peut appeler les risques du passif et amener naturellement les banquiers à la pratique des sélections adverses pénalisantes de bons clients. Par ailleurs, du côté de la demande, à quel prix les ménages peuvent-ils se procurer de la devise au niveau des guichets ? Autrement dit, combien de quantités en monnaie nationale faudrait-il compte tenu de la dévaluation et la dépréciation sur un marché flottant pour la satisfaction des besoins ? « , explique Hocine Sam, docteur en économie à El Watan.

Les bureaux de change sous surveillance

La création de bureaux de change officiels, prévue dans le cadre de la loi n°23-09 du 21 juin 2023, représente une autre mesure visant à limiter l’influence du marché parallèle. Ces bureaux, réglementés par la Banque d’Algérie, permettront d’offrir une alternative légale aux transactions en devises. Cependant, leur impact réel reste à prouver, car ils fonctionneront dans un cadre strict pour éviter les fuites de capitaux et le blanchiment d’argent.

Malgré ces efforts, la convertibilité totale du dinar reste un sujet complexe nécessitant une planification approfondie. Selon l’économiste, « l’accès aux devises dans un cadre légal est essentiel, mais cela ne sera efficace qu’avec des réformes économiques globales ».

Vers une économie plus résiliente ?

Pour stabiliser le marché des devises, les experts s’accordent sur la nécessité de réformes économiques profondes. Cela inclut la diversification de l’économie, la réduction de la dépendance aux hydrocarbures et le renforcement de la production locale. Ces mesures permettraient de réduire la demande en devises étrangères et de soutenir la valeur du dinar.

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