Le mariage d’un sans-papiers en France vient de plonger une élue locale dans une tempête juridique et politique aux résonances nationales. À Bourg-lès-Valence, une petite commune de la Drôme, la maire Marlène Mourier a décidé de ne pas céder à la demande du parquet : elle refuse catégoriquement de célébrer le mariage entre un Tunisien en situation irrégulière et une citoyenne française. Ce refus, motivé par ce qu’elle qualifie de « mariage de complaisance », pourrait pourtant lui coûter très cher. La maire LR s’expose en effet à une peine maximale de cinq ans de prison, une amende de 75 000 euros et une possible inéligibilité.
Le mariage en question, entre un sans-papiers tunisien et une Française, a été perçu par l’élue comme une tentative manifeste de régularisation par voie sentimentale. Lors de l’audition obligatoire précédant tout mariage en France, l’homme aurait reconnu avoir l’intention d’obtenir des papiers grâce à cette union. Malgré cela, les investigations policières n’ont pas pu établir de manière formelle que le mariage était frauduleux. Le parquet de Valence a donc demandé à Marlène Mourier d’honorer son devoir d’officier d’état civil et de procéder à la cérémonie. Ce qu’elle refuse catégoriquement, assumant publiquement sa décision.
La situation n’est pas sans rappeler celle du maire de Béziers, Robert Ménard, poursuivi lui aussi pour avoir refusé de marier un Algérien sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ces affaires se multiplient et interrogent sur la compatibilité entre les exigences légales en matière de mariage et les convictions personnelles ou politiques des élus municipaux. En France, refuser de célébrer un mariage, même lorsqu’il implique un sans-papiers, reste un acte passible de lourdes sanctions si les éléments de fraude ne sont pas légalement établis.
Marlène Mourier, de son côté, affirme que le mariage entre ce sans-papiers tunisien et cette Française constitue une manœuvre visant uniquement l’obtention d’un titre de séjour. Selon ses dires, l’enquête préalable n’aurait pas été menée avec suffisamment de rigueur. Elle dénonce une pression judiciaire et politique, déclarant même avoir reçu un appel du procureur la menaçant de poursuites si elle refusait d’organiser le mariage. « Qu’il me poursuive », a-t-elle répondu. La maire, prête à comparaître devant les tribunaux, dit incarner une résistance que beaucoup d’élus ressentent en silence face à ce type de situations, qui se banalisent dans certaines communes de France.
Ce débat a pris une dimension nationale, d’autant que le président Emmanuel Macron, invité récemment sur TF1, a reconnu que « le droit est mal fait » en matière de mariages impliquant des étrangers en situation irrégulière. Il a indiqué vouloir soumettre une proposition de loi au Parlement pour restreindre, voire interdire, les mariages d’étrangers sans papiers en France. Un projet qui divise profondément : certains y voient une réponse nécessaire aux abus, d’autres redoutent une remise en cause d’une liberté fondamentale.
Nicolas Darragon, maire de Valence et président local de l’Association des maires de France, soutient entièrement Marlène Mourier. Il rappelle que l’article 63 du Code civil impose une audition des futurs époux et que, dans ce cas précis, les propos tenus lors de cette audition justifieraient le refus. Selon lui, c’est une inversion de responsabilité inacceptable que de menacer une maire alors que le doute plane sur la sincérité du mariage. Il estime que c’est toute la communauté des maires de France, sans distinction politique, qui se sent aujourd’hui en insécurité juridique.
Alors que le mariage entre un sans-papiers et une Française devrait être célébré ce samedi à 15h30, la mairie de Bourg-lès-Valence restera fermée. La décision de Marlène Mourier, bien que controversée, fait écho à un malaise croissant parmi les élus locaux face aux mariages dits « de complaisance ». En France, ces unions entre un sans-papiers et une personne de nationalité française posent des dilemmes complexes : respecter la loi, préserver l’institution du mariage et lutter contre les abus, tout en garantissant les droits fondamentaux de chacun. À l’intersection de ces enjeux, ce nouvel épisode promet de nourrir encore longtemps les débats, à la fois dans les prétoires, dans les hémicycles et dans les mairies de France.