Dans un climat tendu, marqué par une sécheresse persistante et des directives strictes des hautes autorités, le Maroc fait face à une décision sans précédent concernant l’Aïd al-Adha 2025. Cette fête religieuse, profondément ancrée dans la culture du pays, ne connaîtra cette année ni moutons dans les souks, ni fumée de charbon dans les ruelles, ni effervescence des marchés. Au Maroc, l’Aïd al-Adha est plus qu’un rituel, c’est un moment de communion sociale, mais en 2025, au Maroc, l’Aïd al-Adha devient synonyme d’interdiction formelle.
Le Wali de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Younès Tazi, a exécuté sans détour les directives du ministère de l’Intérieur en ordonnant la suspension totale de toutes les manifestations liées à l’Aïd al-Adha. Cette mesure touche plusieurs aspects de la tradition : la vente des bêtes, la distribution du foin, le commerce du charbon, l’aiguisage des couteaux et toute autre activité préparatoire. Dans les arrondissements de Tanger et les zones rurales alentour, les caïds et pachas ont reçu la mission de faire appliquer cette interdiction avec la plus grande rigueur.
La décision s’inscrit dans un contexte plus large : l’appel solennel du roi Mohammed VI, formulé en février dernier, demandant à tous les citoyens du royaume de renoncer cette année au sacrifice rituel de l’Aïd al-Adha. Face à une sécheresse alarmante qui sévit depuis six années consécutives, le Maroc se trouve confronté à une crise hydrique sans précédent, ayant réduit considérablement la taille du cheptel national. Dans les campagnes, les éleveurs observent impuissants la raréfaction de leurs ressources, tandis que dans les villes, l’annonce a provoqué des réactions contrastées.
L’engouement populaire constaté ces dernières semaines dans plusieurs régions du Maroc, avec des achats anticipés de bêtes sacrificielles, a sans doute accéléré la prise de décision des autorités. Malgré les appels au civisme, des marchés informels ont vu le jour dans certaines zones, défiant les recommandations officielles. Pour y faire face, les autorités locales de plusieurs provinces ont été rapidement mobilisées. Des mesures de contrôle renforcées sont appliquées pour veiller à ce qu’aucune activité ne se tienne en lien avec l’Aïd al-Adha, conformément à la ligne directrice imposée par le palais royal.
Il est à noter que, la décision royale, bien qu’inspirée par une volonté de préservation des ressources, soulève plusieurs critiques, notamment sur son caractère unilatéral et l’absence de concertation préalable avec les principales composantes de la société civile. Au Maroc, l’Aïd al-Adha représente bien plus qu’un simple rituel religieux : c’est un pilier de la culture populaire et un moment de solidarité familiale et communautaire. En écartant les voix des citoyens, des éleveurs, des associations religieuses et même des commerçants impactés, le roi Mohammed VI impose une mesure ressentie par certains comme autoritaire, voire déconnectée des réalités vécues sur le terrain. Pour nombre de Marocains, le manque d’alternatives concrètes, de soutien financier ou logistique pour les personnes affectées rend la décision d’autant plus difficile à accepter.
D’un point de vue socio-économique, les répercussions sont majeures. Des milliers de petits éleveurs, pour qui l’Aïd al-Adha constitue l’unique occasion de l’année pour écouler leur cheptel, se retrouvent sans ressources. Cette interdiction générale, décidée au sommet, accentue le sentiment d’injustice parmi les classes populaires. Au Maroc, l’Aïd al-Adha est souvent l’unique moment où certaines familles modestes peuvent consommer de la viande en quantité suffisante. En supprimant cette opportunité sans proposer de mécanisme de compensation clair ou de redistribution équitable, le pouvoir central prend le risque de renforcer la fracture sociale. Nombreux sont ceux qui estiment qu’une approche graduelle ou régionale, tenant compte des zones moins affectées par la sécheresse, aurait été plus équitable et moins brutale.