L’Algérie fait face à une menace silencieuse mais bien réelle : l’explosion du taux d’obésité qui touche de plus en plus de citoyens, toutes catégories d’âge confondues. Ce phénomène inquiétant, qualifié de « bombe sanitaire » par le ministre de la Santé, Abdelhak Saïhi, n’est pas une simple tendance passagère, mais une véritable crise de santé publique qui risque d’avoir des répercussions dramatiques dans les années à venir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 34% des femmes, 14% des hommes et 21% des jeunes sont concernés, avec une progression alarmante.
« Nous nous dirigeons vers une bombe sanitaire qui aura des conséquences sur les familles », a insisté le ministre algérien de la santé. Le mode de vie moderne, marqué par une alimentation trop riche en sucres et en graisses, combiné à un manque criant d’activité physique, a progressivement transformé les habitudes des Algériens. Les fast-foods pullulent, les repas ultra-transformés dominent les tables, et les activités sédentaires sont devenues la norme, notamment avec l’essor du numérique et des écrans omniprésents. Cette mutation rapide, à laquelle la société algérienne n’a pas su s’adapter, est en train de créer une génération de personnes à risque, exposées aux maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension et les troubles cardio-vasculaires.
Le mois de Ramadhan, censé être une période de purification du corps et de l’esprit, devient paradoxalement un moment où la surconsommation alimentaire atteint des sommets. Les hôpitaux enregistrent une hausse significative des admissions pour indigestions, crises cardiaques et décompensations diabétiques. Les tables débordent de plats riches et de sucreries, alors que le jeûne devrait, en théorie, permettre une régulation naturelle du métabolisme. Cette contradiction met en lumière un problème profondément ancré dans les habitudes culturelles et la perception du bien-être à travers l’alimentation.
Si la consommation de sucre, de sel et de graisses a diminué de 50% selon les données officielles, il reste encore un long chemin à parcourir. Les industriels agroalimentaires sont appelés à revoir leurs formules pour proposer des produits plus sains, tandis que la sensibilisation des familles devient une priorité absolue. Il ne s’agit pas uniquement de réglementer, mais d’éduquer. L’école, la famille et les médias doivent jouer un rôle central pour inculquer aux jeunes générations l’importance d’un mode de vie équilibré.
Les enfants, en particulier, sont en première ligne de cette crise. L’obésité infantile est désormais la deuxième affection la plus répandue dans les établissements scolaires, juste après les maladies respiratoires. Entre 20 et 25% des enfants âgés de 5 à 18 ans sont concernés, un chiffre qui donne le vertige et pose la question de l’avenir sanitaire du pays. La lutte contre ce fléau passe par la mise en place d’un encadrement adapté, d’activités sportives obligatoires et d’un soutien psychologique pour éviter la stigmatisation. Trop souvent, les enfants en surpoids sont victimes de moqueries et d’exclusion, ce qui ne fait qu’aggraver leur mal-être et les enferme dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
Face à cette urgence, le gouvernement tente d’apporter des réponses à travers un Plan national de nutrition, initié pour améliorer les repas servis dans les écoles et universités et promouvoir une alimentation équilibrée. Des unités spécialisées dans le traitement de l’obésité sont également en cours de création dans plusieurs hôpitaux universitaires. Cependant, ces efforts risquent d’être insuffisants si un changement profond des mentalités ne s’opère pas rapidement. Il ne suffit pas de traiter les symptômes, il faut s’attaquer aux causes, et cela implique un véritable bouleversement des habitudes de consommation et de mode de vie.
Les projections pour 2030 sont alarmantes : si rien n’est fait, l’Algérie pourrait voir près de 46% de sa population féminine et jusqu’à 30% de sa population masculine sombrer dans l’obésité. Un tel scénario ne se limite pas à un problème de santé individuelle, mais aurait des conséquences économiques majeures. À l’échelle mondiale, le coût de l’obésité pourrait atteindre 3,3% du PIB d’ici 2060. En Algérie, une population affaiblie par des pathologies chroniques pèserait lourdement sur le système de santé, déjà sous pression, et sur la productivité du pays.
Il est encore temps d’agir, mais l’action doit être collective. Éduquer, réguler, prévenir et traiter : telles sont les clés pour éviter que cette bombe sanitaire n’explose avec des conséquences irréversibles. L’Algérie est à un tournant crucial, et la prise de conscience doit être immédiate pour espérer inverser cette tendance inquiétante avant qu’il ne soit trop tard.
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