Parent d’enfant français, titre de séjour : une préfecture rappelée à l’ordre

Carte 10 ans France Algérien OQTF circulaire Retailleau Doualemn Parent enfant français Préfecture

Dans une affaire portée devant la 4ᵉ chambre du tribunal administratif de Versailles, un jugement rendu le 31 mars 2025 a annulé une décision de la préfecture de l’Essonne concernant le refus de délivrance de titre de séjour à un ressortissant tunisien, en qualité de parent d’enfant français, ainsi qu’une obligation de quitter le territoire français. Ce rappel à l’ordre adressé à la préfecture intervient dans un contexte où les droits des étrangers, et plus spécifiquement ceux relevant du statut de parent d’enfant français, soulèvent des tensions juridiques récurrentes. L’affaire, relayée dans une contribution transmise à la rédaction de DNAlgérie par Maître Fayçal Megherbi, avocat spécialisé en droit des étrangers, illustre les dérives administratives constatées dans l’application des textes légaux. La préfecture a ici été jugée en manquement de plusieurs obligations légales dans le cadre du traitement de la demande d’un parent d’enfant français.

Dans sa contribution, Maître Fayçal Megherbi rapporte que « le droit à la vie privée doit fondamentalement être respecté par la préfecture ». L’affaire concerne M. WX, ressortissant tunisien, qui a formulé une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 décembre 2024 et 12 février 2025. Il contestait un arrêté en date du 29 novembre 2024 par lequel la préfète de l’Essonne avait refusé de lui délivrer un titre de séjour en tant que parent d’enfant français et lui avait enjoint de quitter le territoire. Dans le cadre de sa contestation, il demandait également l’octroi d’une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte financière.

La préfecture, qui aurait dû examiner attentivement les dispositions relatives aux parents d’enfants français, a basé son refus de séjour sur l’argument de l’absence de preuves suffisantes montrant que M. WX subvient aux besoins de son enfant. Pourtant, comme le rappelle Me Megherbi, l’article 10 de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit que « le ressortissant tunisien qui est père d’un enfant français résidant en France » peut obtenir un titre de séjour dès lors qu’il exerce même partiellement l’autorité parentale ou qu’il subvient effectivement aux besoins de l’enfant. Or, la préfecture, dans son analyse, a considéré comme non remplies ces deux conditions, tout en se fondant également sur le placement de l’enfant de M. WX en assistance éducative.

La situation familiale de M. WX est pourtant documentée : son enfant, de nationalité française, est né en 2018 et a été confié à l’aide sociale à l’enfance depuis 2019, une mesure renouvelée jusqu’en septembre 2025. Un jugement a confié l’autorité parentale exclusivement à la mère. Toutefois, les textes du code civil précisent que même dans le cadre d’un placement, les parents conservent certains attributs de l’autorité parentale, sauf décision contraire du juge. Le statut de parent d’enfant français ne peut donc pas être automatiquement invalidé par le simple fait d’un placement. La préfecture, ici, n’a pas correctement pris en compte ce principe juridique.

De plus, dans sa contribution, Maître Fayçal Megherbi souligne : « La circonstance qu’un enfant de nationalité française a fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que son père ou sa mère étrangers puisse obtenir un titre de séjour ». Cette précision juridique revêt ici une importance capitale, car elle démontre que la préfecture a fondé sa décision sur une interprétation erronée du droit applicable aux parents d’enfants français. En multipliant les conditions et en exigeant à tort la preuve simultanée de l’exercice de l’autorité parentale et de l’aide matérielle apportée à l’enfant, la préfecture s’est éloignée de la lettre de la loi.

Par ailleurs, la préfecture a estimé que les factures de vêtements d’enfants présentées par M. WX n’étaient pas suffisantes pour prouver qu’il contribuait de manière effective à l’entretien de son enfant. Cette appréciation a été jugée insuffisante par le tribunal, qui a constaté que, même si les preuves matérielles de contribution n’étaient pas totalement établies, il n’existait pas de rupture totale des liens familiaux. En d’autres termes, malgré une contribution financière jugée insuffisante par la préfecture, le lien père-enfant n’était pas rompu, et l’implication de M. WX, bien que partielle, était toujours manifeste.

Sur la question de l’obligation de quitter le territoire français, le tribunal a estimé que cette décision de la préfecture portait « une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale », tel que garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. M. WX, résident habituel en France depuis 2017, salarié en contrat à durée indéterminée dans une entreprise de bâtiment, justifiant d’une insertion professionnelle stable, et ayant obtenu plusieurs titres de séjour en qualité de parent d’enfant français par le passé, ne pouvait être considéré comme une personne sans attache ni ancrage social. La préfecture n’a pas pris en compte la durée de présence de l’intéressé sur le territoire ni son intégration professionnelle et sociale. L’annulation de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) constitue donc un rappel clair à la préfecture de respecter l’ensemble des éléments objectifs du dossier dans ce type de contentieux.

La décision finale du tribunal est sans appel : « Il est enjoint à la préfecture de l’Essonne, ou au préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. WX dans un délai de deux mois et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ». Cette injonction confirme que la préfecture a failli dans l’application du droit et dans son évaluation du statut de parent d’enfant français. Ce jugement constitue un signal fort pour toutes les préfectures confrontées à des situations similaires. Le fait d’être parent d’enfant français ne saurait être traité de manière expéditive, ni faire l’objet d’une interprétation restreinte ou arbitraire.

Ainsi, la préfecture est rappelée à l’ordre sur la manière dont elle traite les demandes fondées sur le lien de filiation avec un enfant français. Ce cas exemplaire démontre que l’appréciation d’un dossier de parent d’enfant français doit être faite de façon complète, objective et conforme au droit. Cette affaire engage l’ensemble des préfectures à traiter les situations similaires avec la plus grande rigueur juridique, en veillant à respecter à la fois la loi et la dignité des personnes concernées. Car le statut de parent d’enfant français, tout comme le pouvoir de décision d’une préfecture, ne peut être déconnecté des principes fondamentaux de justice, d’égalité et de respect de la vie familiale.