À Paris, une tempête numérique s’est abattue sur le restaurant algérien « La Table de Yemma », déclenchée par la publication d’une simple vidéo promotionnelle. La séquence, pourtant inoffensive, débute par un chaleureux « Welcome to Algeria » et présente l’univers du restaurant : un décor authentique rappelant les ruelles d’Alger, des plats traditionnels comme le couscous, la chorba ou les grillades, et un hommage à ceux qui ont franchi les portes de l’établissement à Paris. Parmi les invités mis en avant dans la vidéo de « La Table de Yemma », on retrouve des figures artistiques telles que Baaziz, Kamel El Harrachi, tonton Daoud, célèbre pour sa phrase « un peu de gazouz un peu de limonade », ou encore le DJ mondialement connu, DJ Snake.
Mais ce qui devait être une vitrine culinaire et culturelle pour « La Table de Yemma », en plein cœur de Paris, s’est rapidement transformé en cible de critiques acerbes. Sous la publication, les commentaires se sont multipliés à une vitesse fulgurante, et une large partie de ces messages provenait d’internautes se présentant comme Marocains. Le ton des commentaires a vite dépassé la critique gastronomique pour devenir un torrent d’agressivité. Certains utilisent de faux comptes pour dénigrer l’établissement, prétendant y avoir vécu une expérience décevante. D’autres, plus virulents, visent directement l’algérianité du lieu. À travers leurs mots, c’est moins la cuisine que l’identité même de l’Algérie qui est remise en cause, dans un climat tendu déjà perceptible sur les réseaux sociaux depuis plusieurs années.
« La Table de Yemma », bien implantée à Paris et appréciée pour son ambiance chaleureuse et sa carte fidèle aux traditions algériennes, n’en est pas à sa première attaque. En février 2025, le restaurant avait déjà été la cible d’une campagne de haine en ligne. À l’époque, les messages anonymes pleuvaient, remplis d’accusations d’appropriation culturelle et de propos offensants. Le restaurant algérien recevait alors des commentaires où il était qualifié de « restaurant sans identité », accusé de voler la culture d’un autre pays, et même de faire partie d’un « ramassis colonial sans histoire ». Dans un entretien accordé à DNAlgérie, les propriétaires avaient témoigné : « Nous recevons des menaces, des appels à la fermeture de notre restaurant, et un déferlement de propos méprisants qui visent à nier notre identité. »
À Paris, « La Table de Yemma » se retrouve ainsi au cœur d’une polémique qui dépasse la simple gastronomie. En apparence, la querelle semble tourner autour de recettes et de plats, mais elle dissimule une tension plus profonde entre communautés en ligne. L’établissement, en valorisant l’héritage culinaire algérien, devient la cible d’un groupe qui refuse cette revendication culturelle. Certains vont jusqu’à affirmer que les plats servis à « La Table de Yemma » relèveraient exclusivement de la cuisine marocaine, ignorant délibérément les variations régionales, les similarités historiques et les influences partagées de la région du Maghreb.
Malgré ces attaques, « La Table de Yemma » continue de défendre sa place dans le paysage parisien, en misant sur une cuisine sincère et un décor pensé comme une immersion. Le restaurant ne revendique aucune exclusivité, il propose simplement une interprétation algérienne de mets maghrébins appréciés dans toute la région. Ce positionnement, loin de l’appropriation, s’inscrit dans une logique de transmission, de mémoire et de partage culturel, que certains veulent aujourd’hui faire taire.
Dans ce contexte tendu, les propriétaires de « La Table de Yemma », fidèles à leur vision, choisissent de continuer à cuisiner et à accueillir, malgré les tempêtes. À Paris, « La Table de Yemma » reste un espace où l’Algérie s’exprime, malgré les menaces, les critiques, et le bruit numérique qui tente d’étouffer la voix d’un restaurant devenu, bien malgré lui, un symbole.