Nouvel épisode dans la tension croissante entre l’Algérie et la France, Alger a pris une décision inédite en interdisant aux détenteurs des passeports diplomatiques tout voyage vers l’Hexagone, qu’il soit de nature touristique ou personnel.
Cette mesure, datée du 13 mars et signée par la direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères algérien, s’applique aussi aux familles des diplomates et inclut les transits par les aéroports français. Les termes employés dans la directive sont sans ambiguïté : l’interdiction est « impérative et stricte », et son application doit être « rigoureuse ».
Cette décision algérienne n’est pas un geste anodin. Elle intervient en réaction aux restrictions imposées par la France sur les détenteurs de passeports diplomatiques algériens. L’affaire a pris une tournure plus tendue à la mi-février, lorsqu’Abdelaziz Khellaf, ancien directeur de cabinet de la présidence algérienne, s’est vu refuser l’entrée sur le territoire français, accompagné de son épouse. Officiellement, ce refus était justifié par une « absence d’assurances voyages et de justificatifs d’hébergement ». Quelques semaines plus tard, en début mars, un épisode similaire s’est produit : l’épouse de l’ambassadeur d’Algérie au Mali a été bloquée à la frontière française pour « absence de justificatifs de ressources ».
La riposte algérienne est donc une manière de manifester son mécontentement de manière ferme et symbolique. L’interdiction des voyages depuis la France vers la France ne touche certes que les détenteurs des passeports diplomatiques, mais elle envoie un message clair : l’Algérie n’accepte pas d’être traitée de cette manière. Certains observateurs voient dans cette décision une stratégie de dissuasion, visant à pousser Paris à réviser sa politique restrictive envers les détenteurs de passeports diplomatiques algériens.
Voyage Algérie France : quels sont les détenteurs des passeports diplomatiques ?
Le passeport diplomatique algérien est un document de voyage hautement réglementé, dont l’attribution et l’usage sont strictement définis par le décret présidentiel n° 23-201 du 1er juin 2023. En principe, ce document est réservé à l’exercice d’une activité diplomatique en conformité avec les conventions et usages internationaux. Toutefois, certaines catégories de personnalités et de proches de responsables de l’État algérien peuvent également en bénéficier.
Les premiers bénéficiaires de ce passeport sont les agents diplomatiques et consulaires relevant du ministère des Affaires étrangères, en raison de leur statut professionnel. Leurs conjoints, leurs enfants mineurs et leurs filles non mariées vivant sous leur toit peuvent également obtenir ce document. De plus, lorsque ces agents sont en poste à l’étranger, leurs ascendants directs, s’ils sont à leur charge, peuvent aussi en faire la demande, conformément à la réglementation en vigueur.
Les attachés de défense nationale, les attachés militaires de l’air et navals affectés aux missions diplomatiques algériennes à l’étranger, ainsi que leurs assistants et familles proches (conjoints, enfants mineurs et filles non mariées) font également partie des personnes autorisées à obtenir ce passeport. Cette extension vise à faciliter leurs déplacements dans le cadre de leurs missions officielles.
En outre, plusieurs hauts responsables de l’État, issus de différents organes de gouvernance et institutions stratégiques, peuvent obtenir ce passeport diplomatique. Il s’agit notamment du président de la République, du directeur de cabinet et du secrétaire général de la Présidence, du Premier ministre, des anciens chefs du gouvernement, des présidents des deux chambres du Parlement, du procureur général près la Cour suprême, du gouverneur de la Banque d’Algérie ainsi que du recteur de la Grande mosquée d’Alger.
Le ministère de la Défense nationale compte également plusieurs bénéficiaires parmi ses hauts responsables. Le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, les généraux d’armée, les généraux de corps d’armée, le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, les commandants des différentes forces, le commandant de la garde républicaine, le commandant de la gendarmerie nationale et les commandants des régions militaires en font partie. Ces dispositions témoignent de l’importance du passeport diplomatique dans le fonctionnement institutionnel du pays.
D’un point de vue administratif, le passeport diplomatique est délivré et prorogé par le ministre des Affaires étrangères ou son représentant habilité. Il est valable pour une période maximale de cinq ans et doit être restitué à la fin des fonctions ou missions ayant justifié sa délivrance. Cette mesure garantit un contrôle strict de l’utilisation de ce document et prévient tout usage inapproprié.
Outre le passeport diplomatique, l’Algérie délivre également un passeport de service, qui constitue un document d’identité et de voyage spécialement conçu pour les déplacements à caractère professionnel. Il est attribué aux fonctionnaires civils et militaires affectés à des postes diplomatiques ou consulaires à l’étranger, dont le grade ou la fonction ne leur permet pas de bénéficier du passeport diplomatique.
Ce passeport de service est également accordé aux cadres supérieurs des administrations publiques ayant au moins le rang de directeur, sous présentation d’un ordre de mission délivré par leur ministère de tutelle. De même, certains cadres d’institutions nationales peuvent en faire la demande, sous réserve d’une autorisation spécifique de leur hiérarchie. Enfin, toute personne chargée d’une mission spécifique à l’étranger par le ministre des Affaires étrangères peut obtenir ce document temporaire.
L’importance de ces passeports réside dans les facilités de déplacement qu’ils offrent, notamment grâce à des accords d’exemption de visa signés entre l’Algérie et plusieurs pays partenaires. Cependant, leur délivrance est soumise à des critères stricts pour préserver leur crédibilité et garantir un usage conforme aux intérêts diplomatiques du pays.
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