Vincent Barret, macro-économiste et expert en énergie, a récemment mis en garde l’Algérie face à une situation économique mondiale en constante évolution qui pourrait affecter de manière significative son secteur pétrolier. Dans une interview accordée à *El Moudjahid*, Barret a souligné les effets déstabilisants des mesures commerciales prises par l’administration de Donald Trump, notamment les hausses des droits de douane, sur les prix du pétrole brut et sur les économies des pays producteurs, y compris l’Algérie. Selon l’expert, la montée en flèche des tarifs douaniers américains, qui ont vu les droits de douane pour l’Algérie passer de 19 à 30 %, pourrait avoir des répercussions à long terme sur le marché mondial du pétrole.
La situation actuelle du marché pétrolier est marquée par une période d’incertitude, alimentée par une série d’événements géopolitiques et économiques. La récente réunion du Comité ministériel conjoint de suivi Opep-non Opep (JMMC), tenue en visioconférence avec la participation de Mohamed Arkab, le ministre algérien de l’Énergie, a eu lieu dans un contexte tendu. La réunion a suivi de près l’annonce du président américain Donald Trump d’imposer de nouvelles surtaxes commerciales, une décision qui a perturbé les marchés pétroliers mondiaux. Barret explique que cette politique commerciale, combinée avec la décision de l’OPEP+ de tripler ses augmentations de production en mai, a provoqué une chute significative des prix du pétrole.
Le marché a réagi rapidement à l’annonce des droits de douane, entraînant une baisse de plus de 5 dollars le prix du baril, qui est tombé à environ 64 dollars, avant de se redresser légèrement pour clôturer autour de 66,50 dollars. Pour Barret, cette fluctuation est symptomatique d’un marché pétrolier sous pression, où l’augmentation de l’offre mondiale et la baisse de la demande associée aux droits de douane américains créent une dynamique défavorable pour les producteurs, dont l’Algérie fait partie. Il insiste sur le fait que l’affaiblissement de la demande, notamment en raison de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, aura des répercussions à long terme, ralentissant la croissance économique des régions clés pour la demande mondiale de pétrole.
L’expert met également en lumière l’impact négatif des droits de douane sur la croissance économique, notamment en Chine, l’un des plus grands consommateurs de pétrole au monde. Alors que la Chine a réagi en imposant ses propres surtaxes sur les produits américains, cette riposte a contribué à l’aggravation de la situation en faisant baisser encore davantage les prix du pétrole. En effet, les tensions commerciales ont engendré une baisse de près de 10% des prix du brut sur une semaine, marquant la chute la plus importante depuis septembre dernier. Barret prévoit que cette baisse pourrait persister si les tensions ne se calment pas rapidement, affectant ainsi l’ensemble des pays producteurs, dont l’Algérie, qui pourrait se retrouver avec des prix du pétrole moins favorables à son budget national.
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En outre, Barret prévient que l’augmentation de la production mondiale, notamment par l’OPEP+, va intensifier la pression sur le marché. Bien que l’OPEP+ ait une certaine marge de manœuvre pour ajuster sa production, l’expert reste sceptique quant à la capacité de l’organisation à stabiliser les prix du pétrole dans un contexte aussi volatile. La production supplémentaire attendue en mai, combinée à l’excédent de production de brut aux États-Unis, risque de peser davantage sur l’équilibre du marché. Selon l’Agence internationale de l’énergie, avant même l’instauration des droits de douane, un excédent de 600 000 barils par jour était déjà prévu pour la seconde moitié de l’année. Ce surplus pourrait encore se creuser si la demande mondiale continue de ralentir.
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Dans ce contexte, l’Algérie, dépendante de ses exportations de pétrole pour une grande part de ses recettes fiscales, pourrait se retrouver confrontée à des défis économiques majeurs. Barret prévient que la politique de l’OPEP+ pourrait ne pas suffire à compenser la baisse de la demande mondiale, et que l’Algérie devra probablement ajuster sa stratégie pour faire face à ces nouvelles réalités. La question demeure donc de savoir si l’Algérie pourra trouver une réponse adéquate à ces fluctuations du marché, en particulier si la situation se détériore davantage avec l’extension des hausses des droits de douane et la réduction de la demande chinoise.
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Ainsi, Vincent Barret appelle à la vigilance pour tous les pays producteurs de pétrole, y compris l’Algérie, face à un marché mondial incertain. Les décisions prises par les grandes puissances économiques, telles que les États-Unis, et les évolutions de l’offre et de la demande auront un impact profond sur les économies dépendantes des exportations de pétrole. Si l’OPEP+ semble disposer d’une certaine marge de manœuvre pour ajuster sa production, la persistance des tensions commerciales et la faiblesse de la demande mondiale pourraient rendre cette marge insuffisante pour empêcher une nouvelle baisse des prix du pétrole, menaçant ainsi la stabilité financière des pays producteurs.