Le projet de gazoduc transatlantique tant promu par le Maroc comme réponse stratégique au gazoduc transsaharien porté par l’Algérie vient d’encaisser un coup dur. Le Maroc, qui avait multiplié les annonces et les déclarations triomphalistes autour de ce projet de gazoduc transatlantique, se retrouve désormais face à une réalité beaucoup moins reluisante : la décision finale d’investissement, initialement prévue pour le second trimestre de cette année, vient officiellement d’être repoussée au début de 2026, selon des informations relayées par la Nouvelle Tribune. Ce report constitue un signal d’alarme pour les analystes du secteur énergétique. Il révèle surtout un problème de fond : la faisabilité du projet semble de plus en plus remise en question, alors même que le Maroc continuait de mettre en avant son gazoduc transatlantique dans les médias, comme s’il s’agissait d’une infrastructure déjà en phase d’exécution.
Le Maroc rêvait grand avec ce gazoduc transatlantique. Il promettait de transporter le gaz nigérian à travers treize pays africains jusqu’aux côtes atlantiques, avec l’objectif ultime de le vendre aux marchés européens. Mais ce que le Maroc présente comme un projet stratégique s’est avéré pour l’instant être un mirage économique : les coûts initiaux, qui étaient de 25 milliards de dollars, ont déjà explosé à 30 milliards, sans qu’aucune infrastructure concrète ne voie encore le jour. Le gazoduc transatlantique du Maroc commence donc à ressembler davantage à un gouffre financier qu’à une opportunité énergétique. Dans un contexte mondial marqué par l’inflation et la hausse des prix des matières premières, le Maroc aura bien du mal à convaincre des investisseurs de miser sur un gazoduc transatlantique aussi incertain.
La Nouvelle Tribune met en lumière plusieurs autres failles structurelles du projet du Maroc. D’abord, le gazoduc transatlantique souffre d’un déficit critique d’études techniques abouties, notamment sur les tracés les plus sensibles du parcours. Ensuite, les partenaires européens n’ont, à ce jour, fourni aucun engagement ferme en matière d’achat de gaz. Ce point est particulièrement problématique : sans acheteurs assurés, le gazoduc transatlantique devient un pari extrêmement risqué, et peu de groupes financiers sont prêts à injecter des fonds dans un projet que même ses futurs clients hésitent à soutenir.
Ce retard devient encore plus significatif lorsqu’on le compare au projet transsaharien entre l’Algérie, le Niger et le Nigéria. Contrairement au Maroc, qui se contente pour l’instant de plans et d’effets d’annonce sur son gazoduc transatlantique, le gazoduc transsaharien avance avec des étapes concrètes et des accords institutionnels solides. Cela rend l’offre algérienne bien plus attrayante pour les investisseurs internationaux, qui préfèrent des projets stables, en phase de réalisation, avec des garanties de débouchés commerciaux. Le Maroc, avec son gazoduc transatlantique, se trouve ainsi en net désavantage face à une initiative algérienne structurée, rodée, et déjà en marche.
Le parcours du gazoduc transatlantique imaginé par le Maroc, qui traverse treize pays avec des régulations différentes et parfois contradictoires, s’ajoute à une complexité juridique et logistique qui rend le projet encore plus lourd. D’après la Nouvelle Tribune, un tel niveau de complexité est rarement observé dans les projets énergétiques du continent, ce qui accentue encore la méfiance des potentiels partenaires. Le Maroc se retrouve donc pris à son propre jeu de communication. Car si les tensions entre l’Algérie et certains États voisins avaient permis au Maroc de relancer sur le papier son gazoduc transatlantique, le terrain lui a vite rappelé que les obstacles sont nombreux : instabilité politique, lenteurs administratives, absence de coordination régionale, manque d’infrastructures de base.
Le report de la décision d’investissement jusqu’à 2026 est peut-être la reconnaissance implicite que le projet du gazoduc transatlantique du Maroc n’est pas prêt à voir le jour. En attendant, les défis vont s’accumuler : les coûts continueront d’augmenter, les marchés évolueront, et les priorités des pays traversés pourront changer. Le Maroc, malgré ses efforts pour promouvoir son gazoduc transatlantique, doit désormais faire face à l’épreuve du réel. Le secteur énergétique n’a que faire des annonces grandiloquentes : ce sont les infrastructures, les contrats d’achat, les garanties techniques et les flux financiers qui comptent. Dans le cas du gazoduc transatlantique porté par le Maroc, ces éléments sont encore très loin d’être réunis.