Qu’est ce qui se trame au lycée français Alexandre Dumas en Algérie ? 

Lycée Alexandre Dumas

Depuis plusieurs semaines, une polémique enfle autour du Lycée International Alexandre Dumas, présent à Alger, Oran et Annaba. Ce qui aurait pu n’être qu’une simple inquiétude de quelques familles s’est transformé en une contestation de grande ampleur. Des parents d’élèves, soutenus par plusieurs associations, dénoncent avec vigueur une série de pratiques qu’ils jugent discriminatoires, illégales et contraires à l’esprit même des lois algériennes. En première ligne de cette contestation : l’interdiction totale des signes religieux islamiques dans l’enceinte de l’établissement, et une série d’autres mesures controversées touchant à l’identité, à la légalité et à l’égalité des élèves algériens.

Les témoignages recueillis auprès de plusieurs parents, et relayés dans un entretien au journal El Khabar, s’accompagnent de documents officiels censés prouver les « graves violations » commises au sein du lycée. Les faits dénoncés dépassent le cadre purement pédagogique pour entrer de plain-pied dans une confrontation entre deux logiques : celle d’un établissement français appliquant rigoureusement la laïcité à la française, et celle d’un pays hôte dont la Constitution reconnaît l’islam comme religion d’État et protège la liberté de culte.

Le point de crispation principal concerne la mise en œuvre de la laïcité au sein du lycée. Les parents rapportent que le port du voile est strictement interdit, tout comme les discussions religieuses, les manifestations de foi comme le jeûne, ou même la simple évocation de pratiques liées à l’islam. Ces mesures sont appliquées à des élèves majoritairement musulmans, dans un pays où l’enseignement est censé respecter les valeurs nationales et religieuses, comme le rappelle l’article 50 de la loi algérienne sur l’éducation. Pour les plaignants, cette situation constitue une entorse flagrante à la législation nationale et une atteinte à l’identité culturelle des enfants.

Mais les problèmes soulevés ne s’arrêtent pas là. Les parents pointent également du doigt l’activité d’associations et de syndicats français opérant sans cadre légal clair. Le SNES, le SGEN ou encore des associations relevant de la loi française de 1901 seraient actifs dans l’établissement sans agrément ni partenariat avec des structures algériennes, ce qui, selon les textes, enfreint la loi 12-06 sur les associations en Algérie ainsi que la loi 90-14 sur le travail. Cette situation, à leurs yeux, viole également la Convention 87 de l’OIT, qui stipule que les activités syndicales doivent se conformer aux lois du pays d’accueil.

Autre grief : l’absence de matières liées à l’histoire ou à l’éducation civique algériennes dans le programme scolaire. Pourtant, un accord bilatéral signé en 2002 entre l’Algérie et la France impose l’intégration de ces disciplines. Cette omission prive les élèves d’un apprentissage fondamental sur leur propre pays et alimente, selon les parents, un sentiment de déconnexion culturelle qui devient de plus en plus préoccupant.

La question des bourses scolaires accentue encore le malaise. D’après les représentants des familles, seuls les élèves français peuvent en bénéficier, alors que certains élèves algériens, pourtant méritants, se voient refuser ces aides. Ce traitement différencié serait contraire aux principes d’équité garantis par les accords entre les deux États. À cela s’ajoute la flambée des frais de scolarité, que les familles jugent exorbitants. Le coût du baccalauréat est passé à 305 000 DZD, soit environ 2 110 euros, au taux de change officiel – une augmentation de 430 % en seulement trois ans. Les frais de scolarité ont eux aussi bondi pour atteindre 800 000 DZD, avec une hausse de plus de 50 % en moins d’une décennie. À titre de comparaison, les mêmes frais d’examen sont nettement moins élevés en Tunisie ou au Maroc, ce qui alimente un sentiment d’injustice chez de nombreuses familles algériennes.

Le cas des candidats libres ne fait qu’enfoncer le clou. Chaque année, environ 3 000 élèves s’inscrivent à titre individuel aux examens, et doivent payer près de 2 100 euros, soit six fois plus que leurs homologues au Maroc ou en Tunisie, bien que les programmes soient identiques.

Face à cette situation jugée insoutenable, les représentants des parents affirment avoir sollicité la direction du lycée Alexandre Dumas ainsi que la conseillère culturelle de l’ambassade de France. La réponse qu’ils disent avoir reçue les a profondément choqués : selon eux, la diplomate aurait indiqué que « ces questions ne relèvent pas des parents, mais doivent être traitées uniquement par les canaux diplomatiques ». Une position perçue comme une tentative d’exclure les familles algériennes du dialogue, bien que ce soit elles qui financent en grande partie le fonctionnement de l’établissement.

Pour ces parents, il devient impératif de rappeler que toute structure opérant en Algérie doit impérativement respecter les lois locales, sans distinction ni passe-droit. Ils appellent les autorités algériennes à intervenir, à ouvrir une enquête sérieuse et à faire respecter les principes fondamentaux de justice, d’égalité et de souveraineté nationale. Un recours judiciaire a d’ailleurs été introduit à Alger, avec à la clé une éventuelle révision du cadre légal d’activité du Lycée International Alexandre Dumas. L’affaire est désormais sur la place publique, et les regards sont tournés vers les autorités pour voir si elles feront le choix de la fermeté ou du compromis.

Lire également : 

Voyage en Algérie : une passagère « spéciale » entraine dans sa chute un responsable

France : des Algériens menacés avec la nouvelle amende de 150 euros

Impot Gouv, déclaration impot 2025 : voici toutes les nouveautés