C’est à Roissy, l’un des plus grands aéroports de France, que l’affaire a éclaté comme un nuage de fumée suspecte entre les valises. Le 4 mai 2025, une sénatrice du parti Les Républicains, formation dirigée par Bruno Retailleau, récemment élu président du parti et ministre de l’Intérieur, a été arrêtée avec une quantité de cigarettes qui fait passer les cas souvent associés aux Algériens pour des affaires mineures. L’élue en question, Annick Petrus, représentante de Saint-Martin, transportait pas moins de 110 cartouches dans ses bagages, une saisie record pour Roissy, bien au-delà de ce que l’on observe habituellement dans les cas d’Algériens interpellés dans ce même aéroport.
Les faits sont concrets et vérifiés, selon Mediapart : 22 kg de tabac, répartis entre des cartouches Marlboro et Philip Morris, d’une valeur estimée à plus de 14 000 euros. Ces chiffres n’ont pas tardé à susciter l’étonnement. À Roissy, les contrôles aboutissent fréquemment à l’interpellation d’Algériens pour des quantités bien moindres, et pourtant ces affaires sont largement relayées, alimentant les débats sur la fraude, les trafics, ou encore l’image publique de certaines nationalités. Dans ce cas précis, c’est une figure politique du camp de Bruno Retailleau, qui fait de la rigueur et de la morale publique ses piliers, qui se retrouve éclaboussée dans une affaire plus grave que celles reprochées à nombre d’Algériens.
Interpellée lors d’un contrôle douanier à Roissy, la sénatrice n’a pas nié les faits. Elle a reconnu avoir transporté un colis pour une tierce personne et dit ignorer ce que contenait la valise. Une pratique qu’elle décrit comme courante entre les Antilles et Paris. Elle explique que dans 95 % de ses voyages, elle porte des paquets pour des proches, et que cette fois, le hasard d’un contrôle à Roissy a mis fin à cette habitude. Mais le parallèle devient inévitable : là où des Algériens arrêtés à Roissy sont systématiquement soupçonnés d’intention frauduleuse, Annick Petrus affirme avoir été « idiote » et avoir payé sans discussion l’amende de 4 900 euros, dans le cadre d’un arrangement transactionnel prévu par les douanes pour les contrevenants transportant moins de 150 cartouches.
Ce chiffre est révélateur. Si certains Algériens interpellés à Roissy dépassent à peine la dizaine de cartouches, sans filet politique ou médiatique, ils font face à des procédures parfois bien plus lourdes. Pourtant, ici, une élue du parti de Bruno Retailleau se voit offrir la possibilité de régulariser la situation sans poursuite judiciaire, dans la discrétion. À Roissy, la scène s’est pourtant déroulée comme pour les autres : ouverture de bagage, décompte minutieux des cartouches, évaluation de la valeur, et saisie du tabac. Mais l’écho médiatique, lui, a pris une autre forme, tant les protagonistes, les réactions et les conséquences diffèrent selon le profil du voyageur.
La sénatrice a affirmé avoir pris ses responsabilités. Elle aurait payé l’amende de sa poche, avant de réclamer le remboursement à la personne à l’origine du colis. Elle dit avoir informé ses collègues et sa famille, et prévient désormais contre la pratique de transporter des affaires pour autrui. Elle réfute toute intention de revente, insistant sur le caractère personnel et non lucratif de ce transport. Pourtant, le nombre de cartouches, la valeur totale, et la qualité des marques laissent peu de place au doute sur la gravité du manquement.
Alors que Bruno Retailleau assume les fonctions de ministre de l’Intérieur, cette affaire survenue à Roissy tombe à un moment politiquement sensible. Elle met en tension les discours tenus contre la fraude et les comportements illégaux souvent associés aux Algériens. Or, ici, à Roissy, c’est une parlementaire du camp de Retailleau qui fait bien pire en termes de quantité, sans les conséquences habituellement observées chez d’autres voyageurs, notamment les Algériens.
Ce qui aurait pu n’être qu’une simple affaire douanière prend ainsi des proportions plus larges. À Roissy, des Algériens arrêtés pour quelques dizaines de cartouches finissent dans des articles à la une ; dans cette affaire, une élue de Retailleau, contrôlée avec 110 cartouches, paie, s’excuse, et poursuit son mandat. Le contraste est frappant. Dans un climat tendu autour des questions de sécurité, d’égalité de traitement et de probité publique, cette interpellation à Roissy devient plus qu’un simple incident : un révélateur.