Le dossier du Sahara Occidental continue de cristalliser les tensions diplomatiques entre le Maroc et plusieurs puissances mondiales, mais cette fois, c’est la Russie qui se retrouve au centre de l’attention. À la suite d’une conférence de presse donnée par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, la presse marocaine, proche du Makhzen, s’est empressée d’interpréter ses propos comme un soutien implicite à la position du Maroc sur le Sahara Occidental. Pourtant, l’analyse détaillée de ses déclarations démontre que la Russie n’a en rien modifié sa ligne traditionnelle et reste fidèle à sa position de neutralité fondée sur le droit international et les résolutions des Nations unies.
Lors de cette conférence organisée lundi avec des journalistes arabes, Sergueï Lavrov a répondu à une question relative au Sahara Occidental. Le chef de la diplomatie russe a rappelé que la position de son pays repose sur les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, lesquelles considèrent toujours le Sahara Occidental comme une question de décolonisation. Il a précisé que « la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU est la seule chose qui existe actuellement », réaffirmant ainsi que toute solution au conflit doit passer par un cadre multilatéral et être fondée sur l’autodétermination du peuple sahraoui.
Pourtant, certains médias marocains ont choisi de mettre en avant un passage de son intervention dans lequel Sergueï Lavrov évoque la possibilité de discuter du plan d’autonomie proposé par le Maroc, à condition qu’il soit accepté par toutes les parties. Une interprétation jugée trompeuse puisque cette condition est pratiquement impossible à atteindre dans le contexte actuel. Le ministre russe a simplement souligné que la Russie serait prête à examiner toute nouvelle proposition « si une nouvelle résolution est élaborée sur d’autres principes », à condition qu’elle soit « acceptable pour toutes les parties ». Autrement dit, Moscou n’envisage aucune reconnaissance unilatérale du plan d’autonomie marocain tant que le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui, n’y adhère pas.
L’attitude de la presse marocaine, qui a présenté ces propos comme une percée diplomatique pour le Maroc dans l’affaire du Sahara Occidental, illustre une fois de plus la stratégie médiatique visant à créer une illusion d’adhésion internationale autour du plan d’autonomie. Cependant, les mots de Lavrov ne laissent place à aucune ambiguïté : la Russie ne dévie pas de sa ligne diplomatique traditionnelle. Elle privilégie une solution négociée sous l’égide de l’ONU et refuse d’endosser les décisions unilatérales de certains États, à commencer par celles des États-Unis.
Le ministre russe a d’ailleurs tenu à marquer clairement la distance entre la position de Moscou et celle de Washington. « Les États-Unis sont allés dans une autre direction et, dès le premier mandat du président Donald Trump, ils ont reconnu le Sahara Occidental comme partie du Maroc. Pour eux, la question est close. Mais pour nous, elle ne le sera que lorsque toutes les parties concernées auront le sentiment qu’une solution équilibrée a été trouvée », a-t-il déclaré. Une phrase lourde de sens qui confirme que la Russie ne considère pas le Sahara Occidental comme une question réglée, contrairement à ce que soutient le Maroc depuis la reconnaissance américaine.
Sergueï Lavrov a insisté sur le principe fondamental guidant la diplomatie russe : le respect du droit international et des résolutions onusiennes. « Notre position est très simple. Elle est la même pour tous les cas similaires. Il existe des résolutions des Nations unies, principalement celles du Conseil de sécurité, sur la manière de résoudre le problème du Sahara Occidental, à savoir par l’autodétermination du peuple sahraoui », a-t-il précisé. Cette déclaration vient une nouvelle fois confirmer que la Russie reste ferme sur sa position et qu’elle ne cautionnera aucune approche imposée unilatéralement, que ce soit par le Maroc ou par ses alliés.
Dans les faits, la position russe sur le Sahara Occidental n’a donc pas changé. Elle demeure alignée sur celle de l’Algérie, qui milite pour un règlement du conflit basé sur le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. En ce sens, les interprétations médiatiques relayées par la presse marocaine apparaissent dénuées de fondement et visent principalement à entretenir une illusion de soutien international à la vision du Maroc. Moscou, pour sa part, maintient une approche prudente et équilibrée, cherchant avant tout à préserver sa crédibilité diplomatique au sein des instances internationales.
La chaîne russe Russia Today a d’ailleurs rappelé dans son analyse que « le Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole, est toujours considéré comme un territoire non autonome par l’ONU, en l’absence de règlement définitif ». Ce rappel, loin d’être anodin, illustre la continuité de la position russe et son refus de reconnaître la souveraineté marocaine sur ce territoire tant qu’un accord international n’aura pas été trouvé.