Chaque année, des milliers d’étudiants étrangers en France se retrouvent confrontés à des délais de traitement extrêmement longs pour le renouvellement de leur titre de séjour. Dans le Nord, cette situation est devenue particulièrement critique, plongeant certains dans une véritable précarité. Face à ces difficultés, la préfecture reconnaît l’ampleur du problème et annonce des mesures inédites pour tenter d’y remédier.
Papa-Moctar, étudiant sénégalais en quatrième année à Sciences Po Lille, témoigne de son expérience éprouvante avec l’administration française. Après avoir déposé sa demande de renouvellement dans les délais réglementaires, il s’est retrouvé en situation irrégulière pendant plusieurs semaines en raison des lenteurs administratives. « J’étais tombé amoureux de la France, mais aujourd’hui je suis beaucoup plus proche du divorce », confie-t-il avec amertume à France 3.
Il n’est pas le seul à vivre cette situation. De nombreux étudiants internationaux dénoncent des délais de traitement pouvant atteindre six à sept mois, bien au-delà des normes attendues. Pour beaucoup, l’attente est synonyme d’angoisse, car un titre de séjour expiré empêche d’accéder à un emploi, de réaliser un stage ou même de se déplacer librement en dehors du territoire français.
Une situation qui vire au cauchemar
Le Cercle des Étudiants Sénégalais du Nord, association représentant plus de 200 étudiants, a recensé plusieurs dizaines de cas similaires. En janvier, 1 857 dossiers étaient encore en attente de traitement. Au 25 mars, ce chiffre avait été réduit à 374, mais de nombreux étudiants restent dans l’incertitude.
Certains ont dû renoncer à des opportunités professionnelles faute de pouvoir présenter un titre de séjour valide. Une étudiante en BTS raconte ainsi : « J’ai reçu une attestation de prolongation jusqu’à mi-mai, mais cela complique mes démarches pour poursuivre mes études dans une université. »
La préfecture reconnaît des délais « très longs et insatisfaisants »
Guillaume Afonso, sous-préfet chargé de l’immigration dans le Nord, ne cache pas la complexité du dossier. « Nous délivrons plus de 40 000 titres de séjour par an, dont 6 000 pour les étudiants. Les délais actuels de six à sept mois sont trop longs et insatisfaisants », admet-il.
Face à l’urgence, la préfecture a mis en place un plan de rattrapage inédit. « En mars, nous avons engagé des moyens financiers pour organiser des opérations collectives de rattrapage. Des agents ont été mobilisés pendant trois samedis pour accélérer le traitement des dossiers en retard », explique le sous-préfet.
Les conséquences dramatiques des retards
Si ces mesures sont bienvenues, elles arrivent tard pour certains étudiants qui ont déjà vu leur situation basculer. « Certains finissent à la rue ou abandonnent leurs études », alerte Papa-Moctar.
Emmanuelle Jourdan-Chartier, vice-présidente Vie étudiante de l’Université de Lille, partage cette inquiétude. « Avec des délais aussi longs, un étudiant risque de ne pas pouvoir effectuer un stage ou un apprentissage, ce qui peut lui faire rater son année. Et s’il échoue, son renouvellement peut être refusé », souligne-t-elle.
Perdre son titre de séjour entraîne une cascade de difficultés : impossibilité de travailler, rupture de droits sociaux, stress administratif et isolement. Papa-Moctar en sait quelque chose : « J’ai perdu mon emploi étudiant parce que je devais fournir un titre de séjour valide tous les trois mois. J’ai aussi manqué un stage et un autre emploi à cause d’un titre périmé. »
Une convention entre la préfecture et l’université pour fluidifier les démarches
Pour éviter que cette situation ne se reproduise, la préfecture du Nord prévoit de signer une convention avec l’Université de Lille. Cette initiative vise à améliorer l’accompagnement des étudiants étrangers grâce à plusieurs mesures concrètes :
- Création d’un bureau spécialisé au sein de la préfecture dédié aux étudiants étrangers.
- Désignation de référents universitaires pour faciliter les échanges avec l’administration.
- Mise en place d’un système d’alerte pour identifier rapidement les cas les plus critiques.
- Renforcement de l’accompagnement administratif, notamment via des expérimentations sur certaines périodes de l’année.
Guillaume Afonso admet que la dématérialisation des demandes a compliqué le suivi des dossiers. « Les universités n’ont plus la main sur ces démarches, ce qui pose un problème. Il existe des outils d’accompagnement, mais ils sont peu connus. »
Un manque de communication qui accentue les frustrations
Au-delà des délais, les étudiants dénoncent aussi un manque de clarté dans les procédures. Papa-Moctar raconte ainsi avoir reçu une demande de pièces justificatives déjà transmises. Une situation frustrante qui allonge encore le délai de traitement.
Le sous-préfet reconnaît que des erreurs peuvent survenir. « Nous ne demandons pas de documents inutiles, mais il peut arriver qu’un justificatif soit requis à nouveau pour correspondre à l’année universitaire en cours », explique-t-il.
Par ailleurs, il rappelle que neuf dossiers sur dix sont déposés de manière incomplète, ce qui rallonge inévitablement les délais. « Lorsqu’un document manque, une relance automatique est envoyée par mail et via l’ANEF (Administration Numérique pour les Étrangers en France). L’étudiant a alors quinze jours pour compléter son dossier. » Pourtant, plusieurs étudiants affirment n’avoir jamais reçu de notifications.
Des espoirs mais encore des incertitudes
Si les efforts engagés par la préfecture marquent un tournant, leur impact réel reste à évaluer dans les mois à venir. Papa-Moctar, comme beaucoup d’autres, espère que ces nouvelles mesures permettront enfin d’éviter les galères administratives qui rythment leur parcours universitaire.
Pour l’instant, la situation reste tendue et nombre d’étudiants attendent toujours des solutions concrètes pour retrouver une sérénité nécessaire à la réussite de leurs études en France.
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