La tension entre la France et l’Algérie prend une nouvelle dimension avec les récentes déclarations de Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme et membre du Rassemblement national. Après le refus catégorique d’Alger de reprendre une soixantaine de ressortissants expulsables, le parlementaire appelle à des mesures drastiques, allant jusqu’à la suspension de tous les visas et le blocage de tout transfert d’argent de France vers l’Algérie. Une proposition qui fait réagir et soulève de nombreuses interrogations quant à sa faisabilité et ses répercussions.
Le rejet de la liste des expulsions par l’Algérie a été perçu comme un camouflet par plusieurs figures politiques françaises. Jean-Philippe Tanguy ne mâche pas ses mots et regrette que la France « court derrière un pays qui ne respecte pas le droit international ». Pour lui, la réponse de Paris doit être ferme et immédiate. Il prône ainsi une « riposte graduée » qui inclurait une interdiction totale des visas pour les ressortissants algériens, mais aussi un coup de frein radical sur les flux financiers entre les deux pays. Il soutient que ces mesures seraient un moyen de pression efficace pour contraindre Alger à collaborer sur le dossier migratoire.
Le transfert d’argent France – Algérie bloqué ? La proposition est surréaliste
Mais une telle décision serait-elle réellement applicable ? En pratique, une large partie des transferts de fonds vers l’Algérie échappe déjà aux circuits bancaires classiques. Les Algériens de France utilisent souvent des canaux informels pour envoyer de l’argent à leurs proches : remises en main propre, réseaux communautaires, plateformes numériques alternatives. Autant d’astuces qui compliqueraient considérablement l’efficacité d’un éventuel blocage officiel. L’économie parallèle, bien ancrée dans les habitudes, rend donc la proposition du député du Rassemblement national peu réaliste.
Si certains responsables politiques français appellent à la fermeté, d’autres préfèrent un ton plus mesuré. François Bayrou a récemment mis en avant la nécessité de maintenir un dialogue avec l’Algérie, soulignant que les deux pays ont « besoin de coopération ». Une approche plus nuancée qui contraste avec la radicalité de Marine Le Pen. La cheffe de file du Rassemblement national a également pris la parole sur le sujet, insistant sur l’urgence d’une riposte : « Il ne faudrait pas que la graduation (de la riposte) dure trop longtemps ». Elle plaide pour des décisions rapides et sans concession, estimant que la France ne doit pas se laisser dicter sa politique migratoire par Alger.
Cette escalade verbale intervient dans un contexte où les relations franco-algériennes sont déjà marquées par de nombreux différends. La question des visas est une source récurrente de tensions, notamment depuis les restrictions imposées par la France ces dernières années. En 2021, Paris avait déjà décidé de réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux Algériens, une mesure qui avait suscité une vive réaction du gouvernement algérien. Depuis, un fragile équilibre avait été trouvé, mais l’affaire des expulsions vient de raviver les tensions.
Le volet financier est un autre point sensible. Selon la Banque mondiale, les Algériens de la diaspora envoient chaque année, via les circuits officiels, plusieurs milliards d’euros vers leur pays d’origine, un apport crucial pour de nombreuses familles. Une interruption brutale de ces flux pourrait avoir des conséquences sociales importantes, fragilisant encore davantage une économie algérienne déjà sous pression. En même temps, il est difficile d’imaginer un contrôle total des transferts tant les alternatives informelles sont nombreuses et bien organisées.
Dans ce climat tendu, la position du gouvernement français reste ambivalente. D’un côté, des ministres comme Gérald Darmanin et Bruno Retailleau appellent à des sanctions fortes. De l’autre, Emmanuel Macron et Matignon tentent d’apaiser la situation en évitant un affrontement direct avec Alger. Un jeu d’équilibriste délicat, où chaque mot et chaque geste peuvent avoir des répercussions diplomatiques majeures.
En attendant, les Algériens de France suivent de près l’évolution de la situation. Beaucoup redoutent des restrictions qui compliqueraient leur quotidien, que ce soit pour voyager ou pour soutenir financièrement leurs proches. Si la menace de blocage des transferts se concrétisait, il y a fort à parier que les circuits alternatifs prendraient encore plus d’ampleur, rendant la mesure inefficace. Reste à voir si la France optera pour l’escalade ou pour la négociation dans ce bras de fer aux enjeux multiples.
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