Une affaire récente a secoué le paysage administratif français en matière de droit des étrangers. M. LK, ressortissant algérien, a réussi à faire annuler par le tribunal administratif une décision préfectorale qui avait classé sans suite sa demande d’admission exceptionnelle au séjour au motif d’une « ancienne OQTF » (obligation de quitter le territoire français) non exécutée. Cette victoire juridique, qui illustre la complexité des procédures et les limites du pouvoir préfectoral, a été mise en lumière grâce à la contribution de Me Fayçal Megherbi, avocat spécialisé en droit des étrangers, transmise à la rédaction de DNAlgérie.
Selon la contribution détaillée de Me Megherbi, il ressort clairement des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, textes qui encadrent strictement le traitement des demandes de titre de séjour, qu’« en dehors du cas d’une demande à caractère abusif ou dilatoire, l’autorité administrative chargée d’instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l’enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l’appui de cette demande est effectivement incomplet ». Cette règle fondamentale interdit donc aux préfets de rejeter une demande de titre de séjour simplement parce que le demandeur fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire non exécutée, sauf à considérer que la demande serait abusive ou dilatoire ou que le dossier serait incomplet.
France : tous les détails sur l’affaire de l’ancienne OQTF de l’Algérien
Le cas de M. LK est particulièrement parlant. Entré en France en 2018, ce ressortissant algérien avait fait l’objet, le 14 septembre 2022, d’une OQTF prise par le préfet du Loir-et-Cher. Malgré cette mesure, M. LK a déposé une demande d’admission exceptionnelle au séjour le 27 octobre 2023, auprès du préfet du Val-d’Oise. La préfecture a alors refusé d’enregistrer cette demande, la classant sans suite par une décision datée du 10 avril 2024, arguant que la demande ne pouvait être examinée du fait de l’OQTF non exécutée.
Or, selon la contribution transmise à DNAlgérie par Me Megherbi, ce refus se fonde sur une erreur manifeste de droit. En effet, aucune disposition du Code de l’entrée et du séjour des étrangers ne subordonne l’examen d’une demande de titre de séjour à l’exécution préalable d’une mesure d’éloignement, ni à l’interdiction de retour que le demandeur pourrait avoir. L’arrêté de classement sans suite de la demande de l’Algérien, ayant une ancienne OQTF, est donc illégal puisqu’il « constitue une décision faisant grief susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ».
Le tribunal administratif, saisi par M. LK, a annulé la décision préfectorale, en soulignant que le préfet n’a pas démontré que la demande était abusive ou dilatoire, ni que le dossier était incomplet. Le tribunal a donc ordonné au préfet du Val-d’Oise « d’enregistrer la demande de titre de séjour de M. LK en vue de l’instruire dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement ». Il est important de noter que le jugement ne contraint pas directement à la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour, mais seulement à l’enregistrement et à l’examen de la demande.
Me Megherbi rappelle dans sa contribution les articles essentiels du Code qui régissent cette procédure : l’article R. 431-10 qui impose la présentation de documents justificatifs concernant l’état civil et la nationalité du demandeur, ainsi que des membres de sa famille s’il s’agit d’une demande pour motif familial ; l’article R. 431-11 qui liste les pièces justificatives à fournir ; et enfin l’article R. 431-12 qui prévoit la délivrance d’un récépissé autorisant la présence du demandeur sur le territoire pendant l’instruction. Ces règles garantissent une procédure encadrée qui protège les droits des étrangers.
Le refus d’enregistrer la demande de M. LK reposait exclusivement sur le fait qu’il n’avait pas exécuté son obligation de quitter le territoire, ce qui est une motivation insuffisante au regard du droit applicable. Me Megherbi souligne que ce motif ne peut justifier à lui seul un refus, puisque le Code ne le prévoit pas. Cette erreur manifeste d’appréciation a conduit à l’annulation de la décision.
L’affaire de M. LK met en lumière les tensions récurrentes entre certaines décisions préfectorales et la législation en vigueur, notamment dans le contexte délicat des relations franco-algériennes, où la question des obligations de quitter le territoire et des expulsions reste sensible. La jurisprudence issue de cette affaire rappelle que les préfets doivent respecter strictement les conditions d’enregistrement des demandes de titre de séjour et ne peuvent écarter une demande pour une simple OQTF non exécutée.
Ce cas souligne l’importance pour les étrangers concernés de connaître leurs droits et les recours possibles face aux décisions préfectorales qui peuvent parfois ignorer les subtilités du droit. Il démontre également que la justice administrative peut, lorsqu’elle est saisie, imposer à la préfecture de respecter les règles, assurant ainsi un équilibre entre contrôle de l’immigration et respect des procédures légales et des droits fondamentaux.