C’est une affaire pour le moins inhabituelle qui a agité le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence. Un médecin algérien, devenu infirmier en France, a comparu devant la justice pour avoir refusé de donner ses empreintes génétiques dans le cadre de sa détention, alors qu’il figurait déjà, sans le savoir, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). L’histoire de ce médecin algérien en France met en lumière les failles administratives et judiciaires d’un système souvent trop complexe pour ceux qui, comme lui, ont tenté de reconstruire leur vie après une reconversion difficile.
Tout commence lors d’une audience de comparution immédiate. Le prévenu, âgé de 64 ans, purge actuellement une peine de prison au centre pénitentiaire de Luynes pour des faits d’agression sexuelle commis en 2023 sur des personnes vulnérables. Ces victimes étaient des handicapés qu’il côtoyait dans le cadre de son activité d’infirmier. Devant le tribunal, il se présente comme un homme brisé, conscient de la gravité de sa situation mais désireux de rappeler son parcours. “J’étais médecin en Algérie, mais en France, j’ai échoué aux concours à quatre reprises”, explique-t-il avec amertume au média La Provence. Ce médecin algérien, arrivé en France pour exercer la médecine, a fini par accepter un poste d’infirmier, faute de pouvoir valider son diplôme, un destin malheureusement partagé par de nombreux professionnels de santé étrangers confrontés à la complexité des équivalences.
La justice française souhaitait, dans le cadre de sa condamnation, l’inscrire au fichier national automatisé des empreintes génétiques. Cependant, l’homme a refusé cette démarche, affirmant n’avoir jamais reçu de convocation. C’est ce refus qui l’a conduit, lundi 13 octobre, devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence. À la barre, il répète calmement : “Je n’ai jamais été convoqué.” Le président du tribunal, surpris, tente de comprendre la situation. Le procureur s’interroge alors : “Mais avez-vous déjà été inscrit au Fnaeg auparavant ?” Cette question va tout changer.
Le médecin algérien semble troublé. Après quelques instants de réflexion, il admet : “En 2019 ou 2020, je crois. C’était à Carpentras.” Il se souvient vaguement d’une précédente affaire de viol dans laquelle il avait été mis en cause, mais qui avait été classée sans suite. Cette révélation jette le trouble dans la salle. Le procureur reste sceptique : “Les gendarmes n’ont pas retrouvé votre dossier en 2024. À moins d’une inscription temporaire, je ne comprends pas.” Malgré cette confusion, il requiert six mois d’emprisonnement supplémentaires pour refus de prélèvement.
Son avocate, Me Camille Friedrich, prend alors la parole pour défendre son client avec fermeté. Documents à l’appui, elle prouve que Mohammed D. figurait déjà dans le fichier du Fnaeg, rendant donc sa comparution injustifiée. “L’affaire n’aurait jamais dû aller jusque-là si toutes les vérifications avaient été faites”, plaide-t-elle. Elle souligne également les incohérences d’une procédure administrative qui a failli condamner un homme pour un acte déjà accompli. Le tribunal finit par reconnaître l’erreur et prononce la relaxe.
Pour ce médecin algérien en France, cette issue résonne comme un soulagement dans un parcours semé d’embûches. Bien qu’il reste incarcéré pour purger la fin de sa peine à Luynes, il retrouve une forme de dignité dans cette décision de justice. Ironie du sort, cet homme de 64 ans, ancien praticien respecté dans son pays, participe aujourd’hui au “Prix Goncourt des détenus”, un concours littéraire qui offre aux prisonniers la possibilité de s’exprimer à travers l’écriture. Une façon pour lui de tourner la page et de donner un sens à une existence bouleversée par les épreuves.
L’histoire de ce médecin algérien devenu infirmier en France rappelle la complexité du parcours des professionnels étrangers qui choisissent l’exil pour exercer leur métier dans un autre pays. Entre désillusions administratives, obstacles juridiques et drames personnels, cette affaire illustre aussi la fragilité des trajectoires humaines derrière les dossiers judiciaires. Le système français, pourtant réputé rigoureux, n’est pas exempt de dysfonctionnements, comme en témoigne ce fichage inutile et cette procédure évitable.