Villages de loisirs : l’affaire des 600 milliards secoue l’Algérie

Tourisme Algérie partenariat village de loisirs

Le scandale des villages de loisirs en Algérie, révélé lors du procès de l’ancien ministre Abdelkader Khemri, a mis au jour une véritable machine à détourner des fonds publics. Plus de 600 milliards de centimes ont été engloutis à travers des marchés de gré à gré, en toute opacité. Derrière ce montant vertigineux, se cache un réseau tentaculaire mêlant ministres, cadres de l’État et entreprises fictives, dans une Algérie déjà secouée par de nombreuses affaires de corruption. L’enquête judiciaire, qui vise à éclaircir les conditions d’attribution de ces marchés, s’est principalement concentrée sur les opérations de l’Agence nationale de loisirs pour la jeunesse (ANALJ), chargée à l’époque d’organiser les vacances dans plusieurs wilayas, notamment Alger, Oran, Constantine, Ouargla et El Oued.

Le dossier est accablant. L’Algérie découvre que les villages de loisirs, présentés comme des havres d’évasion pour les jeunes, ont en réalité servi de prétexte à des dépenses incontrôlées. Ces villages de loisirs en Algérie, censés renforcer l’animation estivale, ont été confiés à des opérateurs sans aucune compétence. Des registres de commerce ont été créés sur mesure, souvent pour des entreprises montées en quelques jours, avant d’être dissoutes une fois les fonds publics encaissés. Le président du tribunal économique et financier n’a pas mâché ses mots face à ce qu’il qualifie d’“organisation de la prédation”.

Parmi les cas les plus frappants, celui de la société « M.A », dont le gérant B. Riadh a reconnu, selon Echourouk, avoir modifié son registre d’activités pour obtenir un marché lié à la location de piscines. En réalité, sa société œuvrait dans le domaine du cinéma. Cela ne l’a pas empêché d’obtenir plusieurs avenants et des versements sans aucun document contractuel. L’absence de contrats, d’ordres de service ou de bons de commande est une constante dans ce scandale. Plusieurs témoins ont même avoué avoir reçu de l’argent sans avoir jamais fourni la moindre prestation.

Les villages de loisirs en Algérie ont ainsi été transformés en un immense terrain d’enrichissement pour des sociétés comme « Forum Tours », dirigée par L. Noura. Cette dernière a décroché deux marchés totalisant plus de 50 milliards de centimes en moins d’une semaine. Elle a nié toute malversation, prétendant que son agence existe depuis 2009. Pourtant, le juge a relevé de multiples irrégularités, notamment l’absence de justificatifs pour les dépenses engagées.

Un autre exemple révélateur est celui d’un opérateur, S.K., qui a déclaré avoir été contacté en juin 2014 par le ministère de la Jeunesse, sans avoir répondu à aucun appel d’offres. En quelques jours, il avait soumis une offre, commencé les activités, et perçu des avances de 20 à 80 % du montant global. Les villages de loisirs en Algérie sont alors devenus le théâtre d’un favoritisme éhonté, dans lequel les appels d’offres ont été remplacés par de simples appels téléphoniques, et les entreprises bénéficiaires étaient souvent inconnues du secteur touristique ou de l’événementiel.

Des services surfacturés, comme la location de jeux aquatiques ou de repas, ont été attribués à des entités sans expérience, importateurs d’équipements de piètre qualité, souvent venus de Chine. G. Halim, un autre accusé, a reconnu n’avoir jamais travaillé dans le secteur. Il a obtenu un registre de commerce uniquement pour permettre à son frère, également poursuivi, de décrocher un contrat avec l’ANALJ. Une fois les paiements effectués, la société a été radiée.

Le juge a conclu que ces agissements représentaient une « hégémonie illégale sur les projets publics », rendue possible par la complicité de fonctionnaires et la violation systématique du décret présidentiel 10-236 régissant les marchés publics. L’affaire des villages de loisirs en Algérie dépasse ainsi la simple négligence administrative. Elle révèle un système bien huilé d’appropriation des fonds publics, dissimulé derrière une initiative apparemment louable.

Ce procès pourrait marquer un tournant dans la manière dont l’Algérie gère ses projets de jeunesse. Alors que les villages de loisirs devaient incarner un espoir pour la jeunesse algérienne, ils ont été détournés au profit d’une poignée d’acteurs sans scrupule. L’ampleur des détournements, l’absence de procédures, et la facilité avec laquelle l’argent public a été dilapidé rappellent à quel point la vigilance reste de mise dans la gestion des fonds publics en Algérie.